Par :
AQARTIT LAHCEN
La
République islamique d’Iran se
positionne comme une puissance régionale incontournable et un pays émergent. Si
les iraniens revendiquent aujourd’hui un statut de puissance régionale,
d'acteur majeur de la zone, c’est parce qu’ils ont dépassé le stade de la
démonstration de leur poids dans la région. Ce statut de puissance s’il faut le
définir, le meilleur moyen serait de se poser la question : la paix et la
sécurité régionale sont elle réalisable sans l’implication de l’Iran ?
Bien plus, les
autorités iraniennes sont
confiantes par rapport à la place de l'Iran dans
les différents enjeux régionaux, reflétant ainsi l'ambition de ce dernier
d'exercer une influence décisive sur son environnement géographique. Ceci
dit, la république islamique, si on se réfère au lexique courant de la notion
de puissance, est un acteur capable de faire et de ne pas faire la paix, ou bien détient la volonté de faire ou
d’empêcher de faire.
Le lexique de puissance,
appréhendé par l’école réaliste définit « la politique internationale,
comme toute politique, est un combat pour la puissance Peut importe le but
ultime…., la puissance est toujours le but immédiat ».
Selon ces termes des pères fondateurs de la
théorie réaliste des relations internationales, un Etat conduit sa politique
étrangère soit pour « maintenir le statu quo », soit
pour « exercer l’influence » en augmentant sa puissance, soit
pour afficher « le prestige de la puissance ».
La république islamique d’Iran
ne déroge pas à cette logique. Elle se déploie dans la presque parfaite certitude de son
destin de grande puissance. En dépit des handicaps liés aux
sanctions et à une politique d’endiguement à l’égard de son régime, l’Iran
dispose d’atouts stratégiques importants, lui permettent de réclamer et d’agir
comme acteur régional incontournable. Cette réalité imposa à l’Iran,
d’augmenter sa puissance, tout d’abord pour se prémunir contre toute agression,
ensuite pour imposer son statut de puissance régionale indispensable à la paix
et à la sécurité régionale. Il faut noter tout d’abord que les tendances
révolutionnaires ont été décrites dans le préambule de la constitution de la
république « la victoire de tous les déshérités sur les puissants »,
pour « ouvrir la voie à une communauté mondiale unique » et
« renforcer la lutte engagée pour la délivrance des peuples démunis et
opprimés dans le monde entier ».
La destitution du Shah
Pahlavi, allié de l’occident et l’annonce des nouvelles tendances de la
révolution iranienne ont accéléré la rupture, voir la confrontation entre
Téhéran et les capitales occidentales. Face au nationalisme du peuple iranien
et de sa classe dirigeante les stratèges américains et européens ont travaillé
d’arrache pied dans les chambres noires et dans les couloirs des services
secrets pour affaiblir l’Iran et son régime. A Cet égard et afin de soumettre
le pays au diktat américain, une guerre de l’ombre contre l’Iran fut déclaré
sous forme d’Embargo, d’assassinats des savants, d’attaques cyber nettes contre
ses installations stratégique. Ainsi, la république islamique sera confronté
dés son avènement à un embargo économique et technologique qui affectera
largement l’industrie pétrolière en empêchant le pays de construire ses
raffineries, situation aggravée par le départ des compagnies pétrolières. De
même, l’engagement iranien vers la Palestine et son antisionisme virulent ainsi
que ses ambitions nucléaires et balistiques ont attiré l’attention des
puissances mondiales.
Cette conjonction
d’évènements a fait que des institutions multilatérales, et non des moindres
(AIEA, ONU) se sont sérieusement intéressées à ce pays.
D’où le durcissement depuis
quelques années des sanctions contre l’Iran. En effet, les Etats-Unis et l’UE
ont multiplié de plus en plus des sanctions d’ordre économique contre la
République Islamique. Le 6 février 2012, le Président Américain a signé un
Décret qui prévoit de nouvelles sanctions contre le secteur financier iranien.
L'UE, quant à elle, a décidé d'instaurer, le 23 janvier 2012, un embargo total
sur le pétrole iranien et sur toutes les transactions en or et métaux précieux
avec la Banque centrale iranienne ainsi que les Organismes publics, qui entrera
en vigueur le 1er juillet 2012. Le but de ces sanctions est de réduire au
maximum les sources de financement du programme nucléaire iranien mais surtout
mettre fin à son influence régionale.
En dépit de leurs caractères
sévères, ces injonctions n’ont fait que renforcer l’immunité du pays et devenir
indomptable à l’égard des politiques étrangères hostiles. Conscients, de
l’importance de la menace et des défis majeurs imposés à leurs pays, les stratèges
iraniens ont conjuguées les atouts et potentialités du pays avec une politique
étrangère multidimensionnelle ingénieuse et pragmatique pour s’imposer dans une
région disparate comme puissance incontournable.
De ce fait, il est très
important de revenir aux origines de la puissance iranienne, ses atouts, ses
moyens et ses exploits pour mettre au clair la réalité de ses prétentions. Dans
ce sens, l’examen des atouts et des potentialités de l’Iran permet tout d’abord
de déceler un élément décisif, celui d’un nationalisme fort du clergé et du
peuple iranien et ensuite ses sources, à savoir, l’histoire, le Chiisme, la
révolution de 1979 et la guerre Irak-Iran(1980-1988).
L’apport de l’histoire et de
la civilisation dans la perception des dirigeants iraniens : C’est la clef
du patriotisme iranien. Selon ces termes, la puissance est un phénomène auquel
les Iraniens se sont habitué. Leurs richesses englobent leur appartenance à
l’un des peuples les plus puissants de l’histoire. Ce comportement de grandeur
remonte aux 2500 ans de civilisation, raison pour laquelle ce peuple ne cache
pas son importance historique dans le façonnement du monde. Dans ce sens,
l’avènement de la république islamique constitue un épisode de cette histoire
de puissance avec ses conceptions révolutionnaires, ses défis, ses contraintes
et ces voies de transmissions. Bref, l’Iran
est une puissance historique.
L’apport
de la révolution islamique de 1979 : Ce grand événement provoqua sans
aucun doute un séisme, tant au niveau national, régional et international. Sur
le plan national, la révolution écarta la monarchie autoritaire pro-occidentale
du Shah Pahlavi et par conséquence l’Iran sort du joug occidental. A cet égard,
la révolution islamique n’à jamais été discrète à propos des principaux
constantes de sa politique étrangère, soit la lutte contre le « le grand
Satan américain », soit contre « le petit Satan israélien » et
tous leurs laquais dans la région comme
les régimes autoritaires sunnites à l’instar de l’Egypte d’Anouar Sadate (qui
signa les accords de paix avec Israël en 1977) ou les pétromonarchies du golfe
persique, principalement l’Arabie Saoudite, joignant entre autre
anti-occidentalisme, antisionisme, tiers-mondisme. Il s’agit d’un acte créateur
de l’histoire dans la mesure où elle a modifié radicalement la société
iranienne et en même temps le paysage géopolitique du Moyen Orient.
L’apport
du chiisme moderne (l’Islam révolutionnaire et les voies de transmission de la
puissance iranienne à savoir, les communautés chiites de la région) :
Il est l’un des « grand » apport de
la puissance iranienne. Les concepts de l’exclusion, d’usurpation,
d’injustice, de la persécution, de l’amour des imams, du deuil des fidèles, constitua
le corpus spirituel et religieux des chiites. Leur dévotion aux descendants de
la famille du prophète est immense. Habilement développé par le clergé chiite
de Qom et Téhéran, l’exaltation de la notion du martyr brandira comme valeur
suprême - lors de la guerre contre l'Irak et à chaque moment ou la république
islamique est menacée. Khomeiny enterra à jamais l’islam chiite passif en
affirmant que : « Le moteur, l’âme de l’histoire est le martyr. Aussi dénudez vos
poitrines face à l’armée, [...]. Le sang de chaque martyr est comme le son
d’une cloche qui éveillera mille êtres vivants ». Cette
exaltation du combattant suicide, du martyr, du« Shah id », du
« fedayin » donna naissance à la redoutable école de la guerre
asymétrique ou des « Bassidjes».
L’Iran
constitue « une véritable
fascination » pour la plupart des communautés chiite du monde
arabe. Ces derniers, « aigris par les brimades qu’ils subissent de la
part de la majorité sunnite, notamment à l’occasion des célébrations de l’Ashura» trouvent dans
l’Iran un protecteur extérieur puissant à même de compenser leur isolement. A Cet égard,
l’Iran exerce une influence tous azimut grâce à la puissante Organisation pour
la culture et les relations islamiques (OCRI) et grâce aux fondations qui
apportent un énorme soutien aux minorités chiites.
Les leçons de la guerre
Iran-Irak (1980-1988) et leurs rôle dans le façonnement de la politique
étrangère iranienne. En effet, le patriotisme n’a jamais était aussi fort qu’à
l’ère de la république islamique et surtout lors de la première agression
étrangère dans l’histoire contemporaine de l’Iran. Pour la jeune république
islamique, cette guerre régionale par procuration que lui imposé Saddam Hussain,
soutenu et financé par les monarchies pétrolières, était une occasion pour
consolider la révolution et renforcer le nationalisme du peuple iranien. Cette
guerre affecta irréversiblement la perception de la classe dirigeante iranienne
en matière de la paix et de la sécurité régionale. Depuis lors, l’acquisition
des éléments de puissance fut l’ultime
objectif de la politique étrangère iranienne.
Disposant
d’une surface complète de 1 648 000 km, (17ème rang au niveau mondial), d’une peuplade d’à
peu près 70 millions d’habitants
(16ème rang au niveau mondial et
avec la Turquie et l’Egypte, un des trois pays les plus peuplés du Moyen
Orient), l’Iran se classe dans le top 20 mondial. De même, sa situation
géostratégique est pour le moins notable dans la mesure où Il est également
« considéré comme l’un des pays ayant le plus grand nombre de
voisins(avec) des frontières terrestres et maritimes longues de plus de 7500 KM
avec une quinzaines d’Etats, dont 5 440 km de frontières terrestres, 2440
km de côtes, s’étendant le long du Golfe persique et la mer d’Oman, et 740 km
le long de la mer Caspienne. Cet emplacement géographique et géostratégique de
l’Iran au cœur de la région la plus riche de la planéte fait du pays un
réservoir pétrolier et gazier des plus importants au monde. Il est le 2ème
producteur au Moyen Orient. En l’état, l’Iran renferme 18 milliards de tonnes
de réserves, soit 10% des réserves mondiales, tandis que ses réserves de gaz
naturel sont les 2ème du monde après celle de la Russie, soit 16%
des réserves mondiales.
Après plusieurs années d’embargo économique interdisant à l’Iran
l’accès à la technologie et au savoir, ce pays à fini par devenir un
laboratoire d’antidote à l’embargo, à l’endiguement et à l’isolement, où comme
disait l’Ayatollah Khamenei, les iraniens ont fait des sanctions une occasion
pour avancer dans les domaines scientifiques et
développer une technologie locale en s’appuyant sur leurs propres moyens
et sur une puissance émergente. Faut-il rappeler les propos du ministre des
affaires étrangères américaine en mai 2008, M. John Kerry dénonçant
« l’échec lamentable de la stratégie actuelle, qui n’a pas empêché que
l’Iran soit désormais plus fort et plus influent que jamais dans la région ».
Par sa langue, sa culture, le haut niveau d’éducation de sa population, son
élite politique très éveillé, l’impact international de sa révolution
islamique, son histoire glorieuse, ses richesses et son positionnement
géostratégique au cœur du Moyen orient(lieu de production et d’acheminement du
pétrole et gaz), sa politique étrangère d’assoir la république comme
interlocuteur indispensable en matière de paix et de sécurité internationale,
mettent la république islamique sur la voie des pays émergents.
Le Brésil, l’Argentine, le Venezuela,
L’Indonésie, l’Afrique du Sud…sont des pays émergents, qui partagent avec
l’Iran une population nombreuse, un vaste territoire, un potentiel économique,
une histoire nationale, mais, aucun de ces pays n’a subi, comme l’Iran autant
de pressions (embargo, sanctions, endiguement…). La levée des sanctions,
placera, selon les observateurs, l’Iran parmi les économies les plus
prometteuses de la planète avec un taux de croissance très élevé. La dynamique
de cette évolution s’inscrit dans une stratégie de long terme. La république
islamique exige une place internationale digne de ces potentialités, non
seulement comme puissance régionale, mais aussi comme un acteur mondial.
Le
bilan géopolitique de la dernière décennie à démontré clairement que l’Ira/n
est un acteur incontournable dans la géopolitique du Moyen Orient. Le Golf
Arabo-persique, qui était, il ya peu de temps sous domination occidentale
quasiment sans partage, se trouve actuellement « suspendue à l’idée de
non-agression entre les Etats-Unis en particulier, l’occident en général, et
l’Iran » selon André Chamy. C’est une réalité sévère mais indépassable.
En dépit de toutes les
entraves, l’Iran a mis en jeu avec
pragmatisme tous les éléments pertinents : pétrole, pipelines, chiisme,
islam, anti-impérialisme, antisionisme, tiers-mondisme, pour atteindre un seul
objectif ultime, celui d’être accepter comme une puissance régionale et de
mettre fin à la menace étrangère.
Le bilan géopolitique de la
dernière décennie démontre irréversiblement un retournement de situation dont
les aspects sont :
1 1-
L’influence grandissante de l’Iran auprès de
la classe politique (Chiite et Kurde) irakienne. Cette situation était
inconcevable si la guerre contre l’Irak n’avait pas eu lieu. Les américains ont
débarrassé collatéralement son principal compétiteur : L’Irak.
2 2-
L’alliance avec la Syrie a conforté
l’influence régionale de l’Iran. Et ce malgré la guerre imposée au régime, pour
modifier la balance au profit d’Israël. A défaut d’une défaite improbable de
Bachar El Assad, la Syrie est désormais soumis à la dictat iranien. Là encore,
les efforts de stimuler la Syrie par voie diplomatiques sont sabotés
collatéralement par l’intervention occidentale dans la crise syrienne. Le bilan
des avantages stratégiques de cette alliance pesait déjà lourd sur les rapports
de force vis-à-vis d’Israël et des USA.
3 3-
L’implantation au Sud de Liban de la
redoutable milice du Hezbollah. La monté en puissance de cette milice
paramilitaire, hautement équipée et entrainée par les gardiens de la révolution
assure à l’Iran un instrument stratégique de dessuassions vis-à-vis d’Israël.
La victoire spectaculaire contre l’armée israélienne durant la guerre de 2006 a
démontré la capacité de nuisance dont dispose d’Ores et déjà la république
islamique de l’Iran.
4 4-
L’influence manifeste auprès des mouvements
palestiniens radicaux, ce qui permet à l’Iran
d’influer sur le conflit israélo-palestinien. De fait, la position de Téhéran vis-à-vis du
de la Palestine est un exemple significatif de politique étrangère pragmatique.
Le soutien militaire et financier à Al
Jihad al Islami et le Hamas (branche sunnite des frères musulmans) est porteur
d’importants enjeux stratégiques. La question palestinienne permet à l’Iran de
capitaliser à son profit la lutte pour la libération de la Palestine et la
récupération d’Al Qods (lieu sacré des musulmans). l’Iran recherche
essentiellement à gagner en popularité
auprès des peuples de la région, en se présentant comme le résistant numéro un
aux velléités hégémonique de l’alliance américano-israélienne.
5 5-
La reconnaissance de l’Iran comme puissance
du « seuil nucléaire ».
6 6-
L’alliance stratégique avec la Chine et la
Russie.
Publier un commentaire