Droit des Etats, droit des peuples et
sécession : le Kurdistan et la catalogne, prémisses d’une désagrégation
étatique ?
L’actualité internationale, marquée par deux
référendums (ou referenda) successifs, au Kurdistan irakien (le 25 septembre
2017) et en catalogne (1octobre 2017), poserait la question de l’avenir de
l’Etat-nation et de celui de ces peuples au sein desdits Etats.
Avec un effet domino, s’achemine–t-on vers la
mort de l’Etat- nation, cadre dominant depuis le XIXème siècle, et l’irruption sur
la scène internationale de petits Etats peu viables au moment où le monde
évolue vers des ensembles mastodontes.
Face à ces velléités indépendantistes,
justifiées ou pas, comment concilier le droit des Etats à l’intégrité
territoriale et l’aspiration réelle ou
suscitée des peuples à l’indépendance ?
Au-delà de chaque cas et de
sa spécificité, comment peut-on analyser cette aspiration que peut avoir une
partie d’une population d’un Etat déjà constitué à la séparation ?
En droit international, ce droit
a été surtout reconnu par l’ONU (chapitres 11, 12 et 13 de la charte) aux
peuples colonisés.
Et les velléités
sécessionnistes de certains peuples, se trouvant dans des Etats
souverains, ont été toutes condamnées
en vertu d’un principe à savoir l’intégrité territoriale des Etats (article 2,
§ 4 et 7 de la charte).
Ceci c’est le droit. La
pratique relève et révèle quelques exceptions ; on peut en citer, entre
autres les exemples suivants :
A la suite d’une guerre, le Bengladesh, avec
soutien de l’inde, se sépare du Pakistan en 1971.
Le Timor Oriental,
"annexé" en 1976 par
l’Indonésie et après un référendum en 1999, devient indépendant en 2002.
Le Kosovo, quant à lui, depuis
sa déclaration d’indépendance en 2008, et avec plus d’une centaine de
reconnaissances, son statut d’Etat totalement indépendant et souverain n’est
pas tout à fait achevé et établi dans la mesure où il n’est pas encore membre
de L’ONU.
La Crimée suite, à un
mouvement de contestation en Ukraine et à un référendum organisé en 2014, elle
est rattachée à la Russie.
L’indépendance du Kosovo, suite à un
référendum, est acceptée malgré l’engagement de l’ONU de respecter l’intégrité
territoriale de la Serbie (la résolution 1244 en 1999)[1] celui de la Crimée est contesté et
refusé !
Le risque de
« prolifération étatique » selon l’heureuse formule de Pascal
Boniface[2], peut
chambouler la carte géopolitique mondiale.
Sous des prétextes divers,
besoin en démocratie, aspiration à plus d’autonomie, des égoïsmes nationaux –
des régions plus riches que d’autres d’un même pays- non- avoués, certaines
populations revendiquent l’indépendance.
Même dans des pays stables et
démocratiques, ce type de revendication devient de plus en plus fréquent ;
ainsi, le Nord de l’Italie sous l’impulsion de la Ligue du Nord - allergique au
Sud considéré comme non-travailleur-, la Flandre en Belgique, nouvellement plus riche que la Wallonie, l’Ecosse à cause
de l’histoire et du pétrole …tous expriment la même aspiration.
Que faire face cette prolifération ?
Le comportement des Etats, de
la communauté internationale et des organisations internationales endossent une
responsabilité première.
Le comportement malhonnête -
promesse non tenue - de Tacher et Reagan avec l’initiateur de la Perestroïka,
M. Gorbatchev et leur soutien à B. Eltsine ont contribué, en plus des problèmes
internes, à la désagrégation de
l’URSS.
Leur indifférence voire leurs
encouragements, la Fédération Yougoslave n’a pas résisté aux menaces
irrédentistes, nationalistes et religieuses.
La même attitude a été
observée dans le cas du Kosovo.
La même compréhension a été
exprimée voire un soutien en sous-main, notamment israélien à l’indépendance du
Sud du soudan ; la responsabilité du président folklorique de Omar Al
Bachir n’est pas à écarter.
L’attitude plus que
contestable de la CIJ de l’ONU par rapport au cas du Kosovo considérant que la déclaration
d’indépendance ne violait «aucune règle applicable du droit international»[3] , est un
précèdent dangereux.
Alors
qu’une instance inférieure et interne, en l’occurrence la Cour suprême du Canada
a considéré que «le Québec ne pourrait, malgré un résultat
référendaire clair, invoquer un droit à l'autodétermination pour dicter aux
autres parties à la fédération les conditions d'un projet de sécession »[4].
En
dehors des cas de la décolonisation, le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, n’a pas à s’exercer théoriquement dans des cas des Etats
constitués.
Les
exceptions citées plus haut ne sont que le produit de jeu d’influence, d’intérêts avoués ou non
et de conditions géopolitiques régionales ou internationales, mais ne sont
nullement dictées par les règles de droit international.
On
peut comprendre que des peuples se trouvant dans des Etats dictatoriaux au Sud
de la planète puissent exprimer une telle volonté d’indépendance. Mais comment
peut-on l’apprécier dans les pays démocratiques et développés ?
L’histoire,
les intérêts et le droit ne se conjuguent pas tout le temps
harmonieusement ; la seule considération qu’on peut mettre en exergue
c’est que l’évolution du monde connait un double mouvement : la
constitution de grands ensembles et l’expression d’identités régionales -à
cause des déchirures du passé- mais il faudrait le souhaiter pas forcément au
prix de l’éclatement de tous les Etats !
Toute
la question est là. Comment faire pour que les Etats nationaux soient
préservés, les regroupements d’Etats soient encouragés et les spécificités
locales et régionales soient reconnues et leur droit à la différence
respecté ?
C’est
une question d’équilibre entre l’Histoire de chaque entité étatique, les
égoïsmes nationaux, la "témérité" des peuples et la nécessité à la
survie et à la pérennité.
ONU, les Etats et les peuples
Dans
la conclusion d’une thèse[5], nous
avons résumé le rapport de l’ONU avec les Etats nouvellement indépendants et le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans les termes suivants :
« Ainsi, dans ce monde nouveau, l'Etat est né
en enterrant l'entité peuple qu'il était censé représenter et défendre...
Lentement, mais sûrement, les rêves entretenus pendant les luttes de libération
nationale se sont dramatiquement effondrés.
Et cela au nom du principe de
non-intervention dans les affaires intérieures des Etats.
Au nom de ce principe l'O.N.U
s'est toujours interdit tout droit de regard sur le sort réservé à ces peuples
par ce monstre froid qu'est l'Etat. Bien plus, étant faite par et pour les Etats,
l'Organisation mondiale s'ingénie à préserver l'Etat des lieux de ses membres
au détriment de ceux qui les composent à savoir leurs peuples
Après avoir aidé les peuples colonisés à
leur libération des métropoles coloniales, peut-elle encore une fois les
libérer de certains de leurs Etats ? Apparemment non, ou du moins
difficilement.
Il faut reconnaître que son aventure
décolonisatrice a été faite et acquise grâce au soutien des Etats de la
majorité anticolonialiste. Appeler ces derniers à s'autodétruire relève de
l'Utopie; à moins qu'on aboutisse au sein de l'O.N.U à établir un code de
conduite minimum, en l'absence duquel les Etats coupables peuvent être remis en
cause en partie (auto-détermination des minorités étouffées) ou dans leurs
totalité (auto-détermination de l'ensemble du peuple pour manque de légitimité
du pouvoir en place), l'Organisation mondiale après avoir entériné des
légitimités différentes, serait entraînée à contribuer à la consolidation de
l'ordre étatique établi ».
[1]
Réaffirmant
l’attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres
États de la région, au sens de l’Acte final d’Helsinki et de l’annexe 2 à la
présente résolution,
[2]
In « Danger ! Prolifération étatique ».Le monde diplomatique,
janvier, 1999.
[4]
Idem.
[5] Benmessaoud Abdelmoughit "L'organisation
des Nations Unies et les mouvements de libération nationale en Afrique",
thèse de 3e cycle, Université de Grenoble, 1979, 384 pages.
Enregistrer un commentaire