AIDES AU LOGEMENT SOCIAL M. Mohammed Najib LAHLOU
AIDES AU LOGEMENT SOCIAL
SI ON CHANGEAIT DE PARADIGME
Introduction :
Le
secteur de l’habitat a connu ces dernières années une dynamique particulière, grâce
à l’apparition d’une nouvelle génération de promoteurs immobiliers et aux
avantages fiscaux, fonciers et urbanistiques que les pouvoirs lui ont accordés.
Cette
démarche a permis, d’accroitre d’une manière sensible la production,
essentiellement de logements sociaux, d’affirmer le poids des logements de type
appartement en habitat collectif dans le parc logement urbain ; elle a
aussi boosté (et surtout dans les statistiques des) les permis de construire
accordés ces dernières années répondant ainsi aux besoins sans cesse croissants
des nouveaux ménages particulièrement en milieu urbain.
Elle
n’a toutefois, pas permis de résorber le déficit existant qui se compose des
ménages résidant dans les bidonvilles, dans l’habitat menaçant ruine et dans
l’habitat vétuste diffus ainsi que des ménages en cohabitation, qui bénéficie
de programmes publics spécifiques (VSB, HMR…).
Elle
n’a pas permis non plus d’endiguer le phénomène d’habitat dit clandestin et sous-équipé
qui se développe toujours en périphérie des grandes villes, contre lequel la nécessité
d’interventions publiques ferme et contenue de restructuration et de mise à
niveau urbaine devient plus qu’impérative.
À
une année de la fin du délai de validité des avantages accordés au secteur du
logement social, il parait nécessaire de faire le point sur l’efficience du système
en vigueur jusqu’à présent et d’engager une réflexion sur le futur du secteur
immobilier et les mesures qu’il y a lieu d’envisager pour poursuivre la
dynamique créée et dépasser les contraintes rencontrées.
1. Éléments de diagnostic du système actuel
Le
système actuel des aides publiques au logement au Maroc est basé d’une part sur
une uniformisation des produits et des aides et d’autre part sur une
programmation centralisée au niveau national sans tenir compte des spécificités
des territoires, ce qui limite son efficience et le rend moins perceptible par
les populations concernées.
1.1. Uniformisation des produits :
Les
seuls produits aidés en dehors des lots de résorption pour les habitants des
bidonvilles sont les logements sociaux à 140 ou 250 k mdhs.
Cette
démarche laisse très peu de choix de produits et engendre un traitement uniforme
des opérations situées pourtant dans des sites et des territoires différents
ainsi qu’un quasi-monopole des promoteurs signataires des conventions avec l’État
et auxquels les ménages recourent pour acquérir un logement social et
bénéficier des avantages accordés par ce dernier.
Les
logements produits dans ce cadre, malgré la croissance ces dernières années de
leur nombre, sont loin de constituer le seul type de logement social ou
abordable. Ils se situent bien derrière
les maisons marocaines dans le parc logement global, même si la part des
logements en appartement est de plus en plus importante au niveau des
autorisations accordées, confirmant l’évolution constatée, surtout dans les
grandes villes.
Positionnement
des types d’habitats dans le parc logement et au niveau des autorisations
(fig1)
L’auto-construction
est par ailleurs un grand consommateur de matériaux de construction, emploie
beaucoup de petites et moyennes entreprises et crée beaucoup d’opportunité de
travail pour une main-d’œuvre peu qualifiée.
1.2. Uniformisation des aides :
Les aides
actuelles qui sont accordées aussi bien pour les logements de FVIT que les
logements sociaux à 250 kmad, comportent, dans le cadre des conventions avec
l’état, essentiellement des exonérations fiscales de tous les impôts locaux et
nationaux (droit d’autorisation, frais de 1ere établissement, IS, TVA, droit
d’enregistrement et de CF …).
Ce
traitement uniforme semble équitable, mais ne l’est pas réellement. En effet si
l’octroi des aides aux logements de faible VIT est soumis à la condition que
les ménages bénéficiaires aient des revenus plafonnés à 2 SMIG, aucune
limitation de revenus n’est fixée pour les logements à 250 K dhs, ouvrant la
voie à des ménages qui sont moins dans le besoin pour ce type de logement et à des
affectations, des logements acquis, à des usages autres que la résidence
principale.
Quant
à la restitution de la TVA, son montant est plus important dans le cas des
logements sociaux à 250 kmad (20% du prix de vente) qu’aux logements sociaux de
FVIT (TVA sur travaux) (fig. 2)
Ces
exemples, qui ne sont pas exhaustifs, montrent un déséquilibre en termes de
ciblage des aides publiques qui devraient être orientées davantage vers les
ménages à revenus limités. Ces aides doivent leur permettre d’accéder à un
logement décent et d’améliorer à terme leurs conditions d’habiter et doivent concernées
les produits qui sont le plus en adéquation avec les capacités contributives
des ménages concernés et avec les territoires où le besoin est le plus
pressent.
1.3. Uniformisation des modes d’appropriation :
Le
système actuel favorise presque exclusivement l’accession à la propriété au
détriment du logement locatif, qui peut et doit constituer une phase
transitoire dans la mobilité résidentielle et urbaine. (Fig. 3)
Les
rares mesures fiscales instituées en faveur du logement locatif et la
promulgation du texte régissant les rapports entre bailleurs et locataires
n’ont que peu modifié la tendance haussière de l’accession à la propriété,
tendance qui risque de s’accentuer dans le futur si aucune réforme n’est
engagée dans ce cadre.
2. LA RÉFORME PROPOSÉE :
Afin de dépasser les contraintes rencontrées par le système en cours et remédier aux critiques, souvent justifiées, qui lui sont adressées, aussi bien par certaines administrations et organismes publics (MEF, MI, CESE, cour des comptes …) que par les professionnels (FNPI, FNBTP, AMCI, ONA…) ainsi que par les familles à la recherche d’un logement digne et abordable, il est proposé de revoir l’ensemble des paramètres régissant ledit système et de changer de paradigme.
2.1. Objectifs de la réforme
Cette
proposition part du constat de la situation actuelle caractérisée par :
- Une surproduction et sa concentration dans les grandes métropoles urbaines ainsi que leurs impacts sur le cout du foncier et sur l’étalement urbain.
- Une adaptation de fait, de la promotion immobilière aux conditions de commercialisation aussi bien en termes de prix que de superficie et de prestations des logements proposés.
Elle
se base par ailleurs sur le principe que les moyens et outils de production
sont importants et disponibles et que « la crise » est
essentiellement le fait d’une :
- Demande urbaine sans cesse croissante, mais dont les capacités contributives sont limitées,
- Répartition géographique concernant la quasi-totalité des villes de l’armature urbaine
- Aspiration restant majoritairement attachée à la propriété du sol et à l’auto-construction.
C’est
pourquoi, il est proposé d’orienter les aides exclusivement au profit des
ménages afin d’accroitre la demande, la rendre solvable et de réguler le marché
immobilier par une meilleure concurrence entre les opérateurs agissant dans le
secteur. Les objectifs sont de :
- Créer une émulation entre les promoteurs immobiliers pour optimiser les couts et améliorer la qualité urbaine et architecturale ;
- Garantir une demande plus importante, diversifiée et solvable ;
- Répartir équitablement l’aide selon le revenu des ménages,
- Instituer une équité entre les territoires
- Assurer un libre choix des ménages, en termes de produits et de mode de production.
2.2. Les principes de base
La proposition est basée sur les principes suivants :
- Accorder une aide personnalisée à tout acquéreur de logement nouveau, aussi bien auprès d’un promoteur immobilier, d’un constructeur individuel, qu’à ceux ayant recours à l’auto-construction.
- L’aide serait modelée en fonction du revenu et serait inversement proportionnelle à son montant.
- L’aide serait accordée aux ménages modestes, aux couches moyennes inférieures et intermédiaires, en ciblant exclusivement les primo-accédants,
- L’aide ne tient pas compte du type de produit ni de sa VIT, libre à l’acquéreur d’opter pour un appartement, un logement individuel ou pour l’auto-construction, et d’assurer avec ses ressources propres ou à travers un crédit bancaire, le financement du prix du logement choisi.
- L’aide serait accordée via les notaires sur production de contrat de cession entre promoteur et acquéreur et par le biais des banques conventionnées avec l’état, en fonction de l’état d’avancement de l’auto-construction, contrôlé par les services locaux du département de l’habitat ;
- Un prêt à taux évolutif (PTE) en fonction de l’évolution des revenus serait mis en place, en partenariat avec les banques, pour accompagner les ménages les plus modestes.
2.3. La population cible
La détermination de la population
cible fait référence aux données issues de l’enquête nationale sur la
consommation et les dépenses des ménages de 2014, publiée par le HCP en 2016 , qui
procède à la répartition des ménages en milieu urbain comme suit :
§ Classe modeste: 25% des
ménages (pauvres, vulnérables et relativement vulnérable);
§ Classe moyenne: 63% des
ménages (CM inférieure, CM intermédiaire, CM supérieure)
§ Classe aisée: près de 12%
des ménages (fig 4).
L’enquête du HCP, montre par ailleurs que la dépense moyenne des ménages
en milieu urbain est de 7273 dhs /mois et que 59% des ménages urbains ont une
dépense inférieure à cette moyenne.
Pour sa part l’enquête
nationale sur la demande effectuée par le ministère de l’habitat en 2015, fait
ressortir les données ci-après (fig 5):
La
combinaison entre l’ensemble de ces données, permet d’arrêter la consistance du
programme d’aide au logement abordable qui pourra, en conséquence, viser une
population de près de 38 000 ménages par an dont le revenu mensuel est égal ou inférieur
à 3 SMIG.
2.4. Montant des aides
Ø Aides personnalisées : Les aides proposées sont, dans un souci
d’équité, inversement proportionnelles aux revenus, et ce afin de cibler
davantage les ménages les plus modestes qui ont le plus besoin d’améliorer
leurs conditions d’habiter et d’un soutien de l’état pour y arriver. Leurs
montants varient entre 50 000 dhs, pour des revenus égal ou inférieur au SMIG
et à 35 000 dhs pour les revenus égal ou inférieur à 3 SMIG. (Fig. 6)
Le
cout global de la subvention publique annuelle serait de 1585 mdhs, soit une
subvention moyenne 4192 dhs/ménage. À
titre de comparaison, la dépense fiscale (2010/17) pour le LS (250 et 140 k), s’élève
à 2425 mdhs/an soit 65344 dhs/ logements. (Fig. 7)
2.5. Mesures d’accompagnement
Ø Prêts à taux évolutif : Les expériences précédentes ont montré
que l’aide directe est insuffisante pour permettre aux couches sociales les
plus vulnérables (revenus égal ou inférieur SMIG) d’accéder à un logement
décent et que leurs revenus ne leur permettent
pas de faire face aux mensualités de remboursement des crédits bancaires,
engendrant des impayés et des situations sociales tendues.
Afin d’alléger le poids des traites à mensuelles et de les adapter
à l’évolution des revenus, les prêts seraient, pour une durée de 20 ans, à :
·
Taux zéro les 5
premières années,
·
50% du taux en
cours les 5 années suivantes
·
75% les 5
années d’après et
·
Taux en cours
les 5 dernières années
Ø Dotation budgétaire : afin de maitriser la dépense et éviter
tout dérapage budgétaire, une dotation budgétaire sera allouée annuellement à
cette subvention, et son octroi tiendrait compte de l’ordre d’arrivée des
demandes et de leur faisabilité à hauteur du montant alloué. Les demandes
répondant aux critères d’éligibilité et non satisfaites seront reportées en
priorité, sur l’exercice suivant.
Conclusion :
La
nouvelle démarche proposée nous semble, socialement plus équitable et plus
efficiente, économiquement moins budgétivore et plus équilibrée et
politiquement plus porteuse, plus proche et plus perceptible par les
populations ciblées. Elle est par ailleurs, en partie usitée par la
« fondation Mohamed VI des œuvres sociales pour le personnel de
l’éducation nationale », qui laisse à ses adhérents, le choix du type de
logement désiré, le mode opératoire de sa réalisation, sa situation
géographique et sa VIT, et leur accorde des crédits subventionnés selon des
tranches conventionnées avec les banques et garanties par FOGALEF.