Chercheur en Science
politique et Géopolitique
Le 15 juillet 2020
2.790 millions de tonnes (MT) de céréales[1], seront
produites cette année 2020 (blé orge et maïs, essentiellement), dont 370 MT[2] (hors
riz) seraient destinées à l’exportation durant cette campagne 2019-2020. Neuf
pays et l’Union européenne se partagent 85 % des exportations mondiales en
cette denrée. Les Etats-Unis, sont leaders des pays exportateurs à l’échelle
mondiale. Cette structure traduit la dépendance d’une grande majorité des pays
dans le monde vis-à-vis de ces puissances agricoles.
Si le coronavirus a eu une vertu, c’est celle de montrer
l’importance de la préservation de certaines souverainetés[3] qui sont
de l’ordre de quatre : se vêtir, se soigner, se défendre et se nourrir.
Les firmes multinationales (FMN) sont parmi les acteurs les plus
puissants dans ce domaine au niveau mondial. Leur développement est à la fois
la conséquence et l’un des moteurs essentiels de la mondialisation. Face à
leurs stratégies globales et à leurs modes de fonctionnement transnationaux,
les États peinent à instaurer un système de gouvernance qui permettrait de
pallier les conséquences sociales et environnementales des activités de ces
FMN.
Monsanto est la pure incarnation de ces firmes, considérée, par
François Hulot, « comme la pire firme du monde ».
La manière de produire (intrants), de consommer est remise en cause
depuis des années, l’idéologie productiviste est contestée depuis des
décennies. Une alternative à cette idéologie doit être recherchée et pensée…
Les enjeux géopolitiques entre pays producteurs et/ou exportateurs
et pays importateurs/consommateurs doit être posée.
Le Maroc en tant qu’importateur de
céréales, en raison d’un déficit (agricole) structurel, doit se rappeler qu’il
est toujours dépendant de l’étranger pour un produit stratégique : les
céréales.
-
Comment se présente la situation au niveau de la production
mondiale ?
-
Quelles sont les puissances qui dominent ce marché ?
-
Quelle est l’idéologie et la culture qui sous-tend cette domination
(idéologie productiviste) ?
-
Quels sont les moyens et les conditions de pérennisation de cette
domination ?
-
Comment la situation se présente au Maroc a cette question cruciale
a savoir l’indépendance alimentaire ?
Si les céréales
les plus connues sont celles du petit-déjeuner, on oublie parfois que le mot "céréales"
désigne avant tout des plantes à graines et qu'il en existe une grande variété
sur terre. A la base de notre alimentation, les grandes civilisations se sont
créées autour des céréales : la Chine avec le riz, l’Amérique du Sud avec le
maïs, ou encore l’Europe avec le blé, etc….
Elément-phare de la sécurité alimentaire mondiale, les céréales se
situent depuis toujours au cœur de l’Histoire et des jeux de puissance. « Plus
discrètes que le pétrole, moins brillantes que l’or et nullement controversées
comme l’uranium, elles ne sont pas une matière première comme une autre[4] ».
Il s’agit d’un produit vital, dont la culture a tout simplement transformé le
paysage physique, démographique et politique de la planète. Sans céréales,
point de sécurité. Pour un État, en posséder, c’est contrôler sa stabilité et
détenir un atout stratégique majeur pour son influence internationale s’il
exporte une partie de ses récoltes. À l’inverse, manquer de blé face à ses
besoins domestiques, c’est déjà révéler une faiblesse et dévoiler un point de
forte vulnérabilité
Production mondiale des céréales
Le (CIC) Conseil international des céréales[5] (de son
sigle anglais IGC) a, récemment, annoncé une production mondiale record de
céréales au cours de la saison 2020/2021 : elle s’élèverait à 2,22
milliards de tonnes (hors riz), en hausse de 2 % par rapport à la campagne
2019/2020. Ces prévisions s’avèrent, cependant tributaires de la progression et
de la durée de la pandémie de Covid-19 qui pourrait restreindre les transports
et entraver la fourniture de semences, d’engrais ainsi que la préparation des
terres.
Les stocks mondiaux de céréales seraient en légère baisse malgré
cette production record attendue. Cette baisse s’expliquerait par une
augmentation de la consommation qui s’élèverait à 2,23 milliards de
tonnes contre 2,19 milliards durant cette campagne. Le Conseil prévoit
une forte demande d’aliments de base notamment le riz et le blé et un
affaiblissement des produits industriels tels que l’éthanol, réalisé à base de
maïs et d’amidon.
En 2018, 700 millions d’hectares de céréales ont été cultivés dans
le monde, soit 49 % des terres arables, 14 % de la surface
agricole mondiale et 5 % des terres émergées du monde.
Puissances dominantes
Les 9 pays et régions qui dominent les ventes[6] des céréales sur le marché mondial sont les Etats-Unis, la Russie, l’Ukraine, l’Argentine, le Brésil, le Kazakhstan, l’Australie, le Canada et l’Union européenne. L’Inde et la Chine, deux principaux pays producteurs de céréales, sont cependant « des nains commerciaux » à l’échelle de la planète, aussi bien à l’export qu’à l’import. Ils récolteront 458 Mt de grains (hors riz) tout au long de l’actuelle campagne céréalière.
En fait, la Chine et l’Inde produisent avant tout des céréales pour
nourrir leur population. Les importations de grains sont marginales comparées
aux quantités produites même si elles portent en Chine sur des volumes significatifs (15,6
Mt de grains). Cependant ces deux pays plus la Russie ont suspendu, durant
cette campagne, leur exportation de céréales en vue de garder leur stock afin
de subvenir au besoin national menacé par l’impact économique du corona virus.
Commerce mondial des céréales entre pays du nord et
pays du sud
Le commerce mondial de céréales équivaut à 21 % de la production
mondiale. Parmi les pays exportateurs de céréales, les Etats-Unis sont en tête
malgré la baisse du volume d’exportation, cette année, ils vont exporter 81Mt
de grains, soit 22 % des ventes mondiales, contre 92 Mt trois ans auparavant.
La campagne 2019-2020 confirme
l’ascension commerciale de l’Argentine sur la scène mondiale. Elle est devenue
le deuxième pays exportateur de grains (50 Mt seront vendues pour la seconde
campagne consécutive). En écoulant 11 à 12 Mt par ans de plus depuis 2017, ce
pays a détrôné la Russie et l’Ukraine, rétrogradées à la troisième et à la
quatrième place des pays exportateurs majeurs de grains.
Situé dans l’hémisphère sud, l’Argentine écoule en effet chaque année ses
céréales durant la seconde partie de la campagne céréalière, au début de l’été
austral, à partir des mois de décembre et de janvier, ce qui la protège
relativement de la concurrence de la Russie et de l’Ukraine.
Dans le bassin de la Mer Noire, l’Ukraine (48 Mt) et la Russie (44
Mt) font quasiment jeu égal. La Russie vend essentiellement du blé et de l’orge
tandis que l’Ukraine expédie surtout du maïs (24,5 Mt).
Les autres pays exportateurs majeurs de céréales écouleront
quasiment les mêmes volumes de grains que la campagne passée. L’Union
européenne, cinquième puissance exportatrice, vendra 36 Mt de grains durant la
campagne 2019-2020. Elle est suivie par le Canada (31 Mt) et l’Australie (20 Mt)
qui se remet difficilement d’un des plus terribles épisodes de sécheresse de
son histoire.
Enfin, les marchés mondiaux peuvent compter tous les ans sur
les 9 à 10 Mt de grains (essentiellement du blé) récoltées au Kazakhstan.
Le pays profite commercialement de sa situation géopolitique. Il est à la fois
aux portes du bassin de la Mer Noire, du Moyen Orient (via la mer Caspienne) et
de la Chine avec laquelle il partage une frontière commune.
Les neuf puissances exportatrices de céréales référencées par le
CIC n’occupent pas toutes un rôle majeur sur chacun des marchés céréaliers
qu’elles approvisionnent. La Russie est la première puissance agricole
exportatrice de blé (34,7 Mt en 2019-2020) et les Etats-Unis sont en tête des
pays exportateurs de maïs (52 Mt). Mais c’est l’Union européenne qui vendra
encore, cette année, le plus d’orge dans le monde (9 Mt).
A
l’autre bout de la chaine, on trouve les pays en voie de développement (PVD) et
les pays les moins avancés, (PMA) qui n’ont pas pu échapper au piège de la
dépendance absolue et de la pauvreté, étant dans leur majorité importateurs
nets de denrées alimentaires. Les effets nocifs de la flambée des prix des produits des
grains viennent perturber leur équilibre macroéconomique et celui de
leur balance des paiements.
Cela crée un environnement extérieur
défavorable qui ne cesse de saper les efforts de développement et de réduction
de la pauvreté, le commerce avec des régions du monde plus prospères et en
pleine expansion ne pouvant plus agir comme moteur de croissance dans les PMA.
Les politiques de domination (idéologie productiviste)[7]
Qu’est-ce que
le « Productivisme Agricole » ? Ce concept est d’autant plus
difficile à définir qu’il nous semble que la seule recherche du rendement
maximum des produits de la culture et de l’élevage ne saurait suffire à
caractériser cette forme d’agriculture. Il ne faudrait pas confondre
« productivité » et « productivisme ». De même, l’utilisation
massive d’énergie fossile, d’engrais synthétiques, de pesticides, de machines
ou autres techniques destinées à accroître les rendements signale
l’intensification du mode de production sans pour autant constituer un
indicateur fiable de productivisme pour l’exploitation agricole considérée. L’agriculture
productiviste se caractérise par le fait qu’elle ne se soucie pas des
conséquences que peuvent occasionner ses pratiques. Produire abondamment et à
tout prix : telle pourrait être sa devise.
Les animaux élevés et les plantes cultivées sont alors considérés
comme des machines productives qu’il convient d’exploiter au mieux grâce aux
techniques mises au point par les ingénieurs œuvrant pour les organismes
para-agricoles. Et la privatisation des semences suscite une marchandisation
des plantes, autrefois conçues comme patrimoine commun de l’humanité
Cette idéologie, iconoclaste, favorise la soumission de
l’agriculture aux firmes chimiques et alimentaires qui encadrent, en amont et
en aval, l’activité agricole. Conformément à la logique productiviste, les
grandes entreprises, pour mieux contrôler leurs clients ou leurs fournisseurs,
cherchent à accroître les rendements ou à accélérer la maturation des animaux
et des végétaux tout en imprimant au monde agricole la marque de la
technoscience. La création de céréales hybrides et d’OGM, impliquant de
nouvelles contraintes pour les agriculteurs, permet ainsi une consolidation du
pouvoir qu’exercent les industries semencières et agrochimiques sur
l’agriculture mondiale.
Les produits issus de la transgénèse sont souvent présentés comme
la troisième révolution agricole[8]. Les
plantes OGM cultivées dans le monde sont les principales concernées à savoir le
soja, le maïs et le colza. Les premières cultures commerciales ont débuté en
1996 et concernent 114 millions d’hectares, soit 13 % des surfaces mondiales
cultivées en grains[9].
Cette diffusion agricole la plus rapide de l’histoire est la conséquence de la
mondialisation de l’économie et de l’essor de la firme Monsanto, étroitement
liée à l’administration américaine et considérée dans ce registre comme
l’archétype.
Monsanto, le géant des pesticides et de l’agrobusiness, du Soja et du
maïs OGM, est placée sur le banc des accusés, elle est de plus en plus critiquée
pour ses pratiques douteuses et ses scandales judiciaires à répétition. A
l'instar des autres multinationales qui se disputent le marché florissant de
l'agrochimie, la firme américaine est aujourd'hui pointée du doigt pour les
risques alimentaires et environnementales que ses produits provoquent.
Cependant, cette firme, par sa capacité d’influence et son lobbying
musclé, a bénéficié du soutien des décideurs politiques américains et de leur
démission face à ses agissements. F. Hulot, dans un entretien au Journal Du
Dimanche (JDD)[10],
a dénoncé avec vigueur l’idéologie productiviste de Monsanto en disant « Je
ressens une profonde colère face à l’indulgence dont bénéficie Monsanto :
toutes les portes lui sont ouvertes dans la plupart des institutions. Ce
lobbying musclé est intense ».
Les questions d'environnement doivent être abordées
Une inquiétude fréquemment exprimée est que la production
supplémentaire requise pour satisfaire la demande mondiale ne sera pas durable,
car elle aggravera les dommages causés à l'environnement et sapera la base des
ressources naturelles.
Dans les pays développés, cette inquiétude concerne principalement
l'utilisation accrue d'engrais et autres intrants chimiques qui ont conduit à
de sérieux problèmes de pollution de l'eau et de l'air, et il en sera de même à
l'avenir à moins que des mesures défensives ne soient prises.
Bien que l'emploi excessif de pesticides et autres intrants
chimiques soit un problème dans certaines régions à fort potentiel agricole,
augmenter la production dans les pays en développement entraînera surtout, pour
l'environnement, des risques d'une nature différente :
·
Dans les systèmes extensifs d'agriculture et d'élevage, les risques
principaux sont l'érosion des sols, leur épuisement et la déforestation, ceci
conduisant à une baisse des rendements et à la désertification.
·
Dans les systèmes de culture irriguée intensive, les risques
principaux sont la salinisation, l'engorgement des sols par l'eau et la pénurie
d'eau.
Des méthodes visant à accroître et à maintenir la production
végétale tout en minimisant les dommages causés à l'environnement sont déjà
connues et mises en application dans certaines régions. De telles méthodes
doivent faire l'objet de recherches et de vulgarisation pour tous les milieux.
En outre, elles devront s'accompagner de politiques appropriées favorisant leur
expansion rapide.
La
situation agricole du Maroc :
Au Maroc, l'agriculture constitue un secteur économique très important. Il génère environ 14 % du produit intérieur brut (PIB), mais avec des variations importantes (11 à 18 %)
selon les années en fonction des conditions climatiques. Ses performances
conditionnent même celles de l’économie tout entière : le taux de
croissance du pays est fortement corrélé à celui de la production agricole.
L’agriculture demeure par ailleurs le premier pourvoyeur d’emplois du pays,
loin devant les autres secteurs économiques, 40 % de la population active vivant de ce secteur.
Cependant, la politique agricole marocaine est tournée vers
l'exportation plutôt que sur l’autosuffisance, ce qui génère une forte pression
sur les ressources en eau[11]. A
noter que la cartographie agricole, dans plusieurs régions du Maroc, a été
témoin d’un bouleversement des surfaces cultivables, et les cultures de
céréales et légumineuses ont cédé la place à l’arboriculture fruitière. Ainsi Le
développement de l’irrigation, en faveur des cultures vivrières et de celles
destinées à l’exportation, a contribué à la surexploitation de la plupart de
ressources en eaux souterraines et à la baisse alarmante des niveaux de la nappe,
ainsi qu’à la dégradation de la qualité de l’eau.
Le Maroc est
structurellement déficitaire dans les principaux produits de base que sont les
céréales, le sucre, les oléagineux (huiles alimentaires et corps gras) et dans
une moindre mesure le lait et ses dérivés. Les céréales constituent de très
loin le premier poste d’importation : En 2017, le
Maroc a importé 6,45 millions de tonnes de céréales pour une valeur de 1,4
milliard de dollars, celles-ci représentent la fraction la plus importante de la
facture des importations agricoles. De ce fait la balance
commerciale du Maroc pour les produits agroalimentaires demeure toujours déficitaire.
La crise
financière de 2007 et la pandémie du coronavirus ont clairement formulé cette
situation.
Le Maroc
et la crise de 2007
La crise de 2007/2008, est l’une des crises
alimentaires les plus dramatiques des dernières décennies, causée par
l'augmentation des prix internationaux des céréales et les stocks ont baissé au plus bas niveau depuis plus de deux décennies.
Cette crise est la meilleure iconographie de la domination des
grandes puissances agricoles. Durant cette campagne agricole éclata le marché
mondial sous toutes ses formes énergétique, financière, immobilière et
agricole. On constata une flambée des prix de la plupart des produits
alimentaires. Nombres de pays en voie de développement (PVD) et pays moins
avancés (PMA) se trouvèrent face à une crise qui allait toucher leurs
équilibres économique et financier. Résultat, une dépendance alimentaire de
plus en plus massive envers les puissances agricoles.
Le Maroc, de son côté, n’a pas échappé à ce scenario de dépendance
alimentaire massive vis-à-vis des grandes puissances du marché des produits
alimentaires. Selon les statistiques du Ministère de l’Agriculture, on peut
relever que, durant ces cinq dernières années, notre pays dépend, en moyenne,
de plus de 80%[12]
de l’étranger en matière de denrée alimentaire de base (hors riz).
L’adage qui dit « qu’un malheur n’arrive jamais tout
seul » s’applique pleinement à la présente campagne agricole (2019/2020)
qui, au-delà de l’exceptionnel bas niveau de son rendement, sévèrement touché
par la sécheresse, s’invite dans un climat de pandémie sans précédent.
La conjugaison des deux fléaux vient lourdement peser sur la
situation agricole et financière du Maroc. La modicité de la production
céréalière pousse le Maroc à élever significativement son niveau d’importation
de céréales pour combler son déficit alimentaire auprès des grands pays
producteurs et/ou exportateurs de céréales avec toutes les conséquences prévues sur la balance des paiements, sur les réserves de change,
sur le pouvoir d’achat de la population et sur le déficit budgétaire via les départements
chargés de la compensation[13].
Graphique : la production et les importations des
céréales pendant les 5 campagnes 2014 à 2020[14] :
Source Ministère de l’Agriculture
(ONICL 20/01/2020)
Que faire ?
Le secteur agricole au Maroc a toujours été stratégique pour le
développement socio-économique du pays. C’est ainsi qu’il a connu de nombreux
programmes de développement et de réformes structurelles qui visent à assurer
la sécurité alimentaire et à contribuer à la croissance économique. Cependant, il
dépend énormément de la pluie, et la raréfaction des ressources hydriques se
fait sentir avec acuité dans plusieurs zones notamment dans le Sud, le Tensift
et l’Oriental, laissant ces zones arides à la merci des aléas climatiques.
En ce qui concerne les céréales, de lourdes contraintes viennent freiner
le développement du secteur, il y va du mode de production à faible
productivité, au faible accès au foncier, aux infrastructures insuffisantes, aux
intrants agricoles de mauvaise qualité ou inappropriés. Résultat une production
nationale relativement moyenne voire faible, parfois de mauvaise qualité
poussant les industries de transformation à coupler la production locale avec
celle d’importation pour fabriquer un produit fini acceptable.
Sur ces éléments précis, les pouvoirs publics doivent revoir
leur stratégie de politique agricole, notamment à travers les déclinaisons
suivantes :
·
Changer de stratégie d’approvisionnement sur les marchés mondiaux
des céréales, en diversifiant les points d’achat pour diluer le risque de
dépendance des mêmes pays exportateurs ;
· Pratiquer une politique de
contingentement afin de protéger l’économie nationale et échapper à la domination
des puissances agricoles ;
· Penser à reconstituer le stock de
sécurité dont les normes, malheureusement, ne sont guère respectées, pour
éviter toute pénurie, de nature à engendrer des situations de blocage et de
tensions sociales y afférentes ;
· Renforcer la sécurité alimentaire
par l’adaptation des priorités en conférant davantage d’importance aux céréales
et légumineuses qui restent la base du mode de consommation des Marocains ;
·
Revenir à la politique de l’autosuffisance, car la politique
tournée vers l’exportation
génère une forte pression sur les ressources en eau[15]
·
Tirer les enseignements nécessaires des alertes suscitées par les
crises mondiales ;
· Faciliter l’accès au foncier
agricole ;
· Construire les infrastructures
nécessaires facilitant l’accès aux zones arables ;
· Octroyer des subventions en amont
c’est-à-dire à la production non seulement à la consommation ;
· Elaborer une vision plus claire de
la politique agricole Marocaine.
Conclusion
Selon un rapport publié par l’INRA (français)[16] « La situation pourrait se dégrader davantage au
cours des prochaines décennies », en raison, entre autres, de trois causes
principales.
Primo, la croissance démographique mondiale qui
malgré la baisse de la moyenne de la fécondité dans le monde (surtout
occidental), continue d’augmenter, on retient ainsi très habituellement le
chiffre de 9 à 10 milliards d’habitants d’ici l’an 2050 ;
Secundo on assistera à une recrudescence de la
demande alimentaire en raison de l’accroissement démographique. Les projections
à l'horizon 2030[17] indiquent que le déficit
du commerce agricole des pays en développement va encore s'intensifier. En
particulier, les importations nettes de céréales et autres produits agricoles
vont continuer d'augmenter assez rapidement.
Tertio, le réchauffement climatique, qui à son
tour, pourrait faire chuter les rendements agricoles de 10% à 20%, et accroître
les problèmes d’eau à un niveau critique.
A cet effet, Les experts internationaux estiment
que la dépendance alimentaire pourrait atteindre en moyenne 68% au Maghreb en
2050, 67% au Proche-Orient et 64% au Moyen-Orient.
Il va sans dire que cette problématique reste étroitement liée à la
répartition des ressources hydriques dans le monde, selon les chiffres de l’ONU[18], près
de 60% des ressources naturelles renouvelables d’eau douce du monde sont
partagés par 9 pays géants dont : Brésil, Russie, Indonésie, Chine,
Canada, Etats-Unis, Colombie, Pérou et Inde. A l’autre extrémité, un certain
nombre de pays disposent de ressources extrêmement faibles voire quasi
nulles : Koweït, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Malte, Libye, Singapour,
Jordanie Israël et Chypre. Du coup, les guerres à venir seront probablement des
guerres autour des ressources en eau[19].
Il ne faut pas oublier que l'agriculture est un secteur fort
consommateur d'eau douce. Une tonne de céréales nécessite en moyenne 1 000 tonnes d'eau.
Selon une étude de l'université d'Utrecht, des pénuries d'eau sont donc à prévoir dans de nombreux pays dans le monde, dont
les trois
plus grands pays producteurs de céréales au monde que sont la Chine, les États-Unis, et l'Inde, ainsi que dans
des pays dont la proportion d'eau d'irrigation d'origine non renouvelable est
importante : Arabie saoudite, Pakistan, Iran, Mexique, notamment.
Ces véritables enjeux sont des défis pour demain auxquels
l’humanité s’efforce de répondre. Au-delà du perfectionnement des méthodes de
traitements de l’eau (dessalement…), le stockage fait partie des moyens utilisés afin d’économiser l’eau
(réservoirs, citerne
souple).
Aussi, pour notre pays, dorénavant caractérisée par une
pluviométrie instable, la conquête de nouvelles ressources hydriques devrait
être placée au centre des préoccupations stratégiques.
Toutes les études ont révélé les faiblesses de l’économie agricole
marocaine, selon le président de la COMADER[20],
Mohamed OUAYACH, le Maroc ne peut pas produire de céréales car elles dépendent
considérablement de la pluviométrie.
Enfin, il ne faut pas se leurrer, le risque de « pénurie
alimentaire » existe avec acuité, sur le marché mondial à cause des
perturbations liées au Covid-19 dans le commerce international et les chaînes
d'approvisionnement alimentaire.
Reste à savoir si le Maroc saura se réinventer par des stratégies
innovantes afin de concrétiser sa souveraineté alimentaire ?
[1] http://www.fao.org/worldfoodsituation/csdb/fr/
bulletin du 02/07/2020 (blé, orge, mais et riz)
[2] https://wikiagri.fr/articles/marches-cerealiers-2019-2020-lexport-monopolise-par-une-dizaine-de-pays/20264
[3] Un article du professeur A.B. Tredano, sera publié sous peu sur le site
« sciencepo.ma »
[4] https://www.iris-france.org/61356-le-ble-un-petrole-dore-il-illustre-parfaitement-les-tensions-agricoles-mondiales/
[6] Environ 354 millions de tonnes
[7] Le productivisme agricole, Maxime Prével p 115, https://journals.openedition.org/etudesrurales/8675
[8] J.-P. Charvet, Nourrir les hommes, Sedes & Armand Colin, Paris,
2008.
[9] ibid
[10] Ex-ministre Français de l’écologie, interview publié le 03 février
2019 dans le monde, https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/02/03/nicolas-hulot-se-dit-victime-des-agissements-d-une-officine-belge-chargee-par-monsanto-de-ternir-sa-reputation_5418558_3244.html
[11] rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE),
« La situation de stress hydrique au Maroc est alarmante puisque ses
ressources en eau sont évaluées à moins de 650 m3/habitant/an, contre 2 500 m3
en 1960, et devraient baisser en deçà de 500 m3 à l’horizon de 2030 » https://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculture_au_Maroc
[12] Moyenne des cinq dernières campagnes agricoles (2014-2019)
[13] la Caisse de compensation pour le gaz et le sucre et l’Office
national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL) pour la
farine, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02137637/document
p.59
[15] La situation de pénurie hydrique au Maroc est
alarmante puisque ses ressources en eau sont évaluées à moins de 650
m3/habitant/an, contre 2 500 m3 en 1960 https://fr.wikipedia.org/wiki/Agriculture_au_Maroc#:~:text=L'agriculture
%20est%20un%20secteur,en%20fonction%20des%20conditions%20climatiques.
[16] http://www.journaldelenvironnement.net/article/pays-arabes-une-dependance-alimentaire-de-mauvais-augure,63603
[18] https://www.cieau.com/eau-transition-ecologique/enjeux/croissance-demographique-rechauffement-climatique-besoins-energetiques-comment-vont-evoluer-les-besoins-en-eau-dans-le-monde/
[19] Exemple de conflits : entre Egypte, Ethiopie, soudan sur les
eaux du Nil, entre la Turquie la Syrie l’Irak et Israël sur les eaux du tigre
et de l’Euphrate, … etc
Enregistrer un commentaire