Pr. SADOK Hicham
Professeur à l’Université Mohammed V de Rabat
Après la Covid-19,
la dette publique!
La COVID-19 est un coup dur pour une
perspective économique mondiale déjà fragile. La crise sanitaire et le
ralentissement brutal de l'activité ont frappé les pays à un mauvais moment,
celui de la montée de l’autoritarisme et de la défiance politique. Cette crise
intervient à un moment où les autoritaires forment une sorte de masse critique parmi les
dirigeants qui, pour faire face à l’ampleur dramatique de cette pandémie et à la
dépression mondiale, ne font aujourd’hui qu’accélérer les tendances antérieurs.
Pourtant, on espérait que cette crise serait l’occasion de ressusciter un nouveau
monde, meilleur que le précédent, pour mûrir des solutions mondiales aux
problèmes mondiaux. Or, certains signes ne trompent pas et les anciens réflexes
sont déjà de retour.
Ainsi, pour faire face aux stigmates laissés
par le confinement sur l’économie, la plupart des pays ont pris des mesures
d’aide et de soutien qui ont joué le rôle d’amortisseur dans le temps court de
la crise. Nécessaires, ces dispositifs ne sont pas pour autant suffisants pour
totalement absorber le choc. La majorité des Etats ont annoncé des plans de relance pharaoniques pour tenter d’endiguer la crise à moyen terme
et éviter ainsi un tableau encore plus sombre. Les montants de ces derniers ont
de quoi donner le vertige. Selon les calculs de la Banque Mondiale, il s’agit
d’une relance budgétaire planétaire de près de 12.000 milliards de dollars: 2
700 milliards de dollars aux Etats-Unis, 2 200 milliards au Japon, 750
milliards d’euros pour l’Union européenne,120 milliards de dirhams pour le
Maroc, soit l'équivalent de 11% de son produit intérieur brut (PIB) ; 7%
seront dédiés aux garanties accordées par l’Etat aux entreprises, et 4% du PIB seront
consacrés à un fonds d’investissement stratégique. Sans parler des montants
tout aussi extravagants des dettes des banques centrales : un tirage de
Banque Al-Maghrib (BAM) sur la Ligne de Précaution et de Liquidité (LPL) pour
un montant équivalent à près de 3 milliards de dollars remboursable sur une
période de 5 ans; un minimum de 1500 milliards de dollars pour la Fed et 1000
milliards d’euros pour la BCE, qui viennent s’ajouter aux planches à billets
déjà pléthoriques des années précédentes de respectivement 4000 milliards de dollars
et 3000 milliards d’euros.
Cette surabondance des moyens peut paraitre
justifiée : lorsque la maison brûle, il faut tout faire pour éteindre
l’incendie d’abord. Mais le paradoxe, c’est que la spirale de la dette fait à
la fois partie de la solution et du problème. Il faudra bien sortir un jour de
cette impasse qui, de crise en crise, fragilise durablement l’économie au lieu
de la renforcer. Cette valse de dette, conduira tôt ou tard à soulever des
questions sur la soutenabilité et les modalités de remboursement.
Le débat est d’ores et déjà intense et pas du
tout consensuel. Plusieurs voix autorisées s’inquiètent de l’accroissement du taux
d'endettement qui devient, économiquement, une source de vulnérabilité pouvant
freiner la croissance en alimentant la crainte d’une augmentation des impôts,
et, aussi, moralement, une charge à faire supporter aux générations futures.
Mais, en même temps, un discours complètement opposé émerge avec des arguments
recevables: avec les interventions des banques centrales et les taux d'intérêt
à long terme très bas, il est possible d'accroître considérablement les
déficits publics et les dettes publiques, et de réaliser toutes les dépenses
publiques qui paraissent nécessaires. On est donc à la fois face une analyse
inquiétante et une autre latitudinaire, à laquelle des deux faut-il alors
adhérer ?
De la soutenabilité de la dette
La dette publique d’un pays est considérée
comme soutenable si le gouvernement est en mesure de s’acquitter de toutes ses
obligations de paiement actuelles et futures sans défaillance ni aide financière
exceptionnelle. Les analystes examinent si les politiques publiques nécessaires
pour stabiliser la dette sont faisables et compatibles avec le maintien de la croissance
permettant le développement de la population. C’est ainsi que la définition de
la dette publique varie en fonction de son objectif et de sa portée. Une
définition étroite couramment utilisée de la dette publique couvre uniquement
les dettes du trésor. Une définition plus large associe le trésor aux sociétés financières
et non financières publiques, y compris la banque centrale, et la dette que le
secteur public ne détient pas mais a l'obligation de couvrir comme les
retraites.
Pour évaluer correctement la viabilité de la
dette d’un pays, il est important de couvrir tous les types de dette qui
présentent un risque pour les finances publiques d’un pays. Se concentrer
uniquement sur le concept étroitement défini de la dette du trésor peut
conduire à des augmentations inattendues si une entreprise publique déficitaire
n’est pas en mesure d’assurer le service de sa dette, le fardeau retombe
finalement sur le trésor car cette dette est garantie par l’État, ce qui
entraîne un affaiblissement inattendu de la viabilité de la dette du pays.
A cet égard, si la dette du Maroc, dans son
sens étroit, celle que couvre le Trésor, devrait atteindre 76% du PIB en 2020
au lieu de 64,9% en 2019, dans un sens plus élargi, et en tenant compte de la
dette des entreprises publiques et de la LPL de la BAM, elle dépassera le taux symbolique
des 100%. À fin juin 2020, selon les données de la Direction du Trésor et des
Finances extérieures (DTFE), la dette négociable du trésor s’élève à 650
milliards de Dhs et les encours extérieurs publics 347.5 milliards de Dhs (167
milliards pour le trésor, 176 milliards pour les entreprises publiques et 4.5
pour les institutions financières publiques). Par
type de taux, la dette extérieure publique reste majoritairement contractée à
taux d’intérêt fixes qui représente 74% du total contre 26% pour le taux
variable.
En tenant compte du fait que les dettes ont
encore explosé au second semestre 2020 et vont continuer sur leur lancée au
moins jusqu’au début 2021, et dans la mesure où le PIB devrait se contracter de
6,5 % cette année, tandis que les répercussions de la crise sur les
exportations et le tourisme entraînent une aggravation significative du déficit
du compte courant et de la dette extérieure nette, le ratio dette publique/PIB va
mécaniquement atteindre un niveau démentiel en 2021. Ce ratio n’a, certes,
aucun sens économique puisqu’il superpose un stock (la dette) sur un flux (le
PIB), mais il détermine fortement le coût moyen de la dette du Trésor vue la
corrélation qui existe entre le PIB et le budget.
Durant la dernière décennie 2010-2020, le coût
de la dette du trésor marocain a été de l’ordre de 4,34% en moyenne
sachant que le taux de croissance moyen en cette même période n’est que de
3.9%. La hausse du volume de la dette
enregistrée durant cette décennie inverse la tendance baissière des taux
d’emprunt, ce qui génère une hausse continue moyenne des charges d’intérêt de
l’ordre de 6% durant cette période. Malheureusement, cette hausse du coût de la
dette devrait encore se confirmer dans les années à venir suite à la perte de
l’«Investment grade» des agences de notation et l’abaissement du pays vers la
catégorie des pays spéculatifs. La dégradation de cette notation apprécie mal le
risque de solvabilité financière de l’Etat ; et cet indicateur est déterminant
pour les taux de prêts exigés par les investisseurs internationaux. Plus la
notation est élevée, plus la prime de risque à payer par l’emprunteur est
basse. Lors de son dernier emprunt en devises d’un milliard d’euros en
septembre dernier, le gouvernement marocain a pu bénéficier de conditions
de prêts relativement avantageuses. La dette obligataire remboursable dans 10
ans a été assortie d’un coupon de 2%. Il devrait en être autrement lors de la
prochaine sortie du Trésor à l’international prévue en 2021, contrairement à
d’autres pays riverains, qui, même s’ils connaissent la même frénésie
d’emprunts, les coûts de leur dette ne cessent de diminuer.
L'Espagne et le Portugal sont sur la voie de réduire au moins 17 milliards
d'euros de leurs coûts de service de la dette d'ici fin 2021. L’analyse de la Bundesbank allemande montre que la BCE devrait
acheter toute la nouvelle dette que le Trésor espagnol a annoncé cette année,
et plus de 80% de celle du Portugal. Et si les rendements de leurs obligations sont
à 0% actuellement, ils peuvent tomber en dessous de zéro, faisant payer aux
investisseurs le privilège de leur prêter des liquidités à 10 ans, les calculs
du service de la dette de ces deux pays pourraient être encore revus à la
baisse.
C’est ainsi que l’autre facteur
important dans la gestion de la dette publique, et non des moindres, est la
nature des détenteurs de cette dette publique. Si, globalement, la dette
intérieure financée par l’épargne nationale pose un moindre problème pour la
solvabilité et la souveraineté de l’Etat, il en est autrement des dettes
extérieurs détenues par les étrangers. Les charges de cette dernière en amortissement,
intérêts et commissions sont réglées en devise étrangère nécessitant d’avoir,
d’une part, une balance courante positive pour que les résidents du pays
puissent rembourser les dettes sans recourir à d’autres emprunts en devises, et d’autre part, un régime
de change flottant administré permettant à la banque centrale
d’intervenir régulièrement en
transmettant aux opérateurs du marché les devises souhaitable afin qu'ils
agissent en conséquence et limiter ainsi la dépréciation du taux de change pour
ne pas amplifier le cout du service de la dette sur le budget.
A ce titre, la
structure, par créanciers, de la dette extérieure marocaine durant cette
dernière décennie reste caractérisée par la prédominance des emprunts à l’égard
des créanciers multilatéraux (la BIRD, BAD et BEI pour à peu prés la moitié des
encours extérieurs), 29% à l’égard des
créanciers bilatéraux (pays de l’UE, Japan et les pays arabes) et environ 21% de la dette extérieure est émise sous forme
d’obligation sur le marché financier international. Par contre l’essentiel
de la dette publique émise par les pays développés durant la même décennie
n’est pas détenue par les acheteurs habituels de la dette publique, en
l’occurrence les banques, sociétés d'assurance, les investisseurs et prêteurs
étrangers, mais par la banque centrale qui est la propriété de l’Etat et à qui
elle reverse ses dividendes, à l’exception de la FED aux Etats Unis qui a une
structure de propriété particulière.
La banque centrale des pays
avancés reverse donc les intérêts que lui paye l'Etat sur les titres publics
qu'elle détient, qui, en réalité sont une dette de l'Etat achetée par l'Etat.
Ainsi, on doit donc seulement considérer comme dette publique posant problème
pour ces pays la partie de la dette publique qui n'est pas détenue par la
Banque Centrale. Le reste de la dette publique, détenue par la Banque Centrale,
n'existe pas en réalité, puisque, même s'il existe comptablement, c'est une
créance de l'Etat sur lui-même.
Numériquement, le taux
d'endettement public d’un pays comme la France devrait atteindre 120% du PIB
fin 2020, contre 95% du PIB fin 2014 et 100% fin 2019 ; le taux d'endettement
pour la dette publique qui n'est pas détenue par la Banque de France était le
même que le taux d'endettement public total en 2014. Il était de 80 % du PIB
fin 2019 et sera de 89 % du PIB fin 2020 c'est-à-dire à peu près le même niveau
qu'en 2013 en tenant compte de l’inflation: il n'y a pas de hausse à moyen
terme des taux d'endettement public hors détention par la banque centrale
puisque toutes les émissions nouvelles de dette publique ont été achetées par
la banque centrale. Le scenario de loin le plus probable est que les banques centrales
des pays développés vont conserver ces titres publics sur leur bilan, ne les
revendront pas, et les renouvelleront à l'échéance. Cela signifie que les
dettes publiques émises n'auront jamais à être remboursées puisqu'elles sont
vraisemblablement détenues à vie par la banque centrale, c'est-à-dire par
l'Etat lui-même.
Bien sûr, cette situation pourra
évoluer dans le futur. Si, dans les prochaines années, la banque centrale change
de politique monétaire, arrête d'acheter des dettes publiques, alors les
déficits publics, s'ils sont toujours présents, deviendront bien plus
difficiles à financer, donc les contraintes de solvabilité budgétaire de ces
pays réapparaitront avec la même acuité que dans les pays en développement, et
les nouvelles dettes publiques redeviendront de vraies dettes publiques. Mais
ce n'est pas le cas des dettes émises au cours de cette décennie et il est donc
tout à fait inutile de s'inquiéter de la hausse de l'endettement public de ces
pays.
Par contre, la
situation est bien autre pour les pays en développement qui ont connu au cours
de cette décennie l'augmentation la plus importante, la plus rapide et la plus
généralisée de la dette au cours des 50 dernières années. Bien que les
autorités de ces pays visent à limiter la détérioration des finances publiques,
l’impact persistant de la pandémie sur le budget et les projets d'extension des
services sociaux, dans un contexte de recrudescence du chômage, compliqueront
les efforts de stabilisation de la dette. D’où l’autre question
importante qui se pose: comment gérer le paiement de cette dette qui ne cesse
de s’accumuler?
Le remboursement de la
dette
La dette publique n’est pas un enjeu nouveau. Le
débat entre tenants de la rigueur et ceux de la dépense publique est
aujourd’hui un enjeu central entre les orthodoxes, majoritaires, garants
de la « bonne » interprétation des théories et ceux, moins audibles,
pudiquement qualifiés d’hétérodoxes (pour ne pas dire « hérétiques »)
qui jugent que la dépense publique doit soutenir l’économie même quand la dette
est élevée. Il s’agit, en vérité, d’un problème profondément politique au sens
le plus noble. Quel choix pour la cité ? Quelle société
voulons-nous ?
Or, si cette synthèse cherche à fournir les
arguments pour former une opinion éclairée sur les politiques de gestion de la
dette publique, il ya lieu d’esquisser toutes les pistes de réflexion sur les
modalités de paiement de la dette :
- La
première modalité de remboursement la plus discutée de nos jours dans les pays
de l’hémisphère nord est l’annulation de la dette. À travers l’histoire,
plusieurs pays ont en eu recours chaque fois qu’ils étaient confrontés à des
difficultés financières. Evidemment, ils n’annuleraient pas la dette publique
détenue par les épargnants, sinon ça serait injuste, ruinerait ces derniers et
susciterait l’effondrement du système, mais supprimeraient que l’énorme dette
publique détenue par les banques centrales. Or, les statuts de ces dernières
interdisent une telle annulation et ce d’autant que les titres de dettes
publiques se situent à l’actif du bilan des banques centrales et constituent
l’une des contreparties de la masse monétaire avec l’or et les réserves de
changes. Autrement dit, la banque centrale n’imprime pas les billets pour
financer les dépenses publiques, elle échange les billets contre de la dette
publique, à condition toutefois que cette dette lui soit remboursée un
jour, également en billets. Certains regretteront cette organisation qui est le
schéma standard dans le monde, de même que le choix de séparer le pouvoir
monétaire du pouvoir budgétaire de manière à mieux préserver le pouvoir d’achat
des citoyens en imprimant que la quantité de monnaie nécessaire à l’économie afin
de ne pas mettre en danger la stabilité des prix. On peut vouloir modifier
cette organisation via un changement de statut, mais il faut être sûr que le
jeu en vaut la chandelle. Car même si on réussit cette modification dans les
missions de la banque centrale, l’annulation des dettes d’un Etat lui fera
perdre durablement sa crédibilité. Dès lors, une phase de remontée massive des
taux d’intérêt se produira, ce qui aggravera la récession, augmentera le
chômage, suscitant une nouvelle flambée des déficits et des dettes, sans parler
des risques financiers et sociétaux.
- La deuxième piste de
réflexion consisterait à favoriser les mécanismes permettant d’augmenter
l’inflation. L’Histoire montre également que, souvent, une forte
inflation permettait de payer la dette de façon indolore. Sauf qu’on on ne peut
pas décréter l’inflation qui est actuellement extrêmement faible. D’autre part,
si l’inflation vient à augmenter dans ce contexte de récession et de chômage
élevé, l’augmentation des revenus ne pourra suivre, ce qui réduira le pouvoir
d’achat des ménages et aggravera davantage la récession, donc le chômage et par
conséquent les déficits et encore plus de dette.
C’est pourquoi,
certaines politiques publiques pourraient être tentées par une troisième solution
qui consiste à augmenter les impôts. Le gouvernement marocain réinstaure déjà
la contribution sociale de solidarité (CSS) sur les personnes physiques et
morales les plus résilientes à la crise sanitaire. L’Etat n’aura aucun mal à
ponctionner ses rentiers, mais, par cette pression fiscale qui commence à
devenir excessive, il endommage l’attractivité et la compétitivité du pays. Ce
qui risque d’amputer les recettes fiscales futures, donc accroîtra les déficits
publics et la dette, et perpétuer ainsi le cercle pernicieux dans lequel nous
sommes englués.
- L’autre piste de réflexion pour le remboursement de la dette la plus
valable est la mise en place des réformes et les conditions nécessaires pour une
économie structurée et compétitive avec une croissance forte, notamment au
travers de l’innovation technologique. En effet, rappelons qu’une dette
publique élevée n’est pas forcément catastrophique, si et seulement si elle ne
sert pas uniquement à éteindre l’incendie, mais favorise l’investissement,
l’innovation et, in fine, le retour de la croissance forte. La dette qui
finance les dépenses sociales et l'infrastructure productive peut conduire à
des revenus plus élevés qui peuvent finalement compenser le coût du service de
la dette et aider à équilibrer les risques et assurer la viabilité de la dette.
Et pour garantir cette dernière, l’expérience des vagues d’endettement passées (1970–89, 1990–2001, 2002–09)
montre surtout le rôle essentiel des choix politiques dans l’atténuation des
impacts des crises qui ont coïncidé avec des récessions mondiales (1982, 1991,
2009). Ces crises ont généralement été déclenchées par des chocs externes qui
ont entraîné une forte augmentation de l'aversion pour le risque des
investisseurs, des primes de risque ou des coûts d'emprunt, suivis par des
arrêts soudains des entrées de capitaux et de profondes récessions. Or, si ces
chocs déclenchent généralement des crises, leur impact sur les économies locales
est fortement influencé par les cadres et les choix politiques nationaux ;
et ces derniers dépendent en fin de compte de la qualité des institutions. Sur
ce point, et ne serait ce que par rapport au thème de la dette publique ici
traité, il est de la plus haute importance de relever en matière de gouvernance
de la dette publique la nécessité de mettre en place des modèles de prévision
de croissance réaliste pour éviter de sous-estimer les besoins de financement à
court terme du pays et de surestimer sa capacité à honorer ses engagements en
matière de dette. L'historien du FMI, James Boughton, note que les prévisions
optimistes des pays de l’Amérique latine ont été en grande partie à l’origine
de leur crise de la dette des années 80. A cela, il faut rajouter également le renforcement
de la transparence des statistiques de la dette. Malheureusement, les contrats
d’emprunts et leurs clauses sont souvent entourés de non-divulgation, et une
image complète des données reste insaisissable. Une initiative de transparence
comprendrait, par exemple, une divulgation complète des contrats, les acteurs
impliqués, les clauses pour déterminer les emprunts concessionnels et non
concessionnels, la propriété des obligations souveraines. Sur ce sujet ;
comme d’autres, les comptes du pays doivent devenir plus complets, avec de
meilleures données pour permettre à la communauté intéressée et aux citoyens en
général de mieux surveiller le déploiement des ressources rares.
À l'heure actuelle, il est primordial de
s'attaquer d’abord aux conséquences de la crise sanitaire, quel qu'en soit le
coût budgétaire. Ce dernier devrait certes se creuser d'environ 5 points de
pourcentage du PIB par rapport à l’année dernière, mais actuellement les prêteurs
sont susceptibles d'accepter cette situation budgétaire précaire, y compris avec
une dette élevée et des déficits importants, si le pays met en place
aujourd'hui des mécanismes et des institutions qui financeront d’importants
programmes et projets productifs et rétabliront la croissance forte une fois la
reprise amorcée.
Mais pour l’implémentation de cette sortie de crise par le haut, il reste tout
de même une autre grande interrogation à élucider. Il s’agit de savoir si, pour
une fois, les responsables vont avoir assez d’ambition pour transcrire les
notes éparpillés de cette croissance forte en une œuvre musicale, et non de se
contenter de jouer les gardiens des «règles d’or». Autrement, la question posée
par Juvénal il y a dix-neuf siècles déjà serait encore
d’actualité : Qui gardera les gardiens ?
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