UNE CHUTE SANS PRECEDENT DES IDE
AU NIVEAU MONDIAL : -42% en 2020
Pr. Abdeslam Seddiki
Professeur Universitaire et ancien Ministre
Les derniers chiffres qui
viennent d’être publiés par la CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le
Commerce et le Développement) relatifs à
l’Investissement direct étranger pour 2020 sont sans surprise. Ils dégagent une
chute de ces flux de -42% tuant ainsi dans l’œuf les signes de reprise
constatés une année auparavant. Les pays développés ont été plus touchés que
les pays en voie de développement. Qui
plus est, les prévisions pour l’année 2021 ne sont guère réjouissantes. Pour le
Maroc, la baisse attendue serait de l’ordre de 20%.
On rappelle que les IDE ont connu
une phase de repli à partir de 2015. Ainsi, ils ont dégringolé de 2000 MM$ en 2015
à 1540 en 2019. Et suite à la pandémie qui a mis en quasi-arrêt la machine économique, ces investissements
ont de nouveau chuté mais cette fois-ci d’une manière spectaculaire puisque
leur montant ne dépasse guère 859 MM$. Un niveau aussi bas a été observé pour
la dernière fois dans les années 1990 et est inférieur de plus de 30 % au creux
de l’investissement qui a suivi la crise financière mondiale de 2008-2009,
précise la note publiée par la CNUCED.
La baisse de l’IED s’est
concentrée dans les pays développés, où les flux ont chuté de 69 % pour
atteindre environ 229 MM$. Les États-Unis ont enregistré une baisse de 49 % de
l’IED, tombant à environ 134 MM$. La baisse a eu lieu dans le commerce de gros,
les services financiers et le secteur manufacturier. Les flux vers l’UE à 27
ont diminué de 70 % à 110 MM$ contre 373 MM$ en 2019. Rares les pays qui s’en
sont bien sortis tels la Suède, l’Espagne, le Japon.
Bien que les flux d’IED vers les
économies en développement aient diminué de 12 % pour s’établir à environ 616
MM$, ils représentaient 72 % de l’IED mondial, la part la plus élevée jamais
enregistrée. Cette baisse a été très
inégale entre les régions en développement : -37% en Amérique latine et dans
les Caraïbes, -18% en Afrique et -4% dans les pays en développement d’Asie.
Alors que les pays en
développement d’Asie ont bien résisté à la tempête en tant que groupe, attirant
environ 476 MM$ d’IED en 2020, les flux vers les membres de l’Association des
Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE ou ASEAN) se sont contractés de 31 % pour
atteindre 107 MM$.
Par ailleurs, la Chine a été le
plus grand bénéficiaire d’IED au monde, avec des flux vers le géant asiatique
en hausse de 4% à 163 MM$. Les industries de haute technologie ont connu une
augmentation de 11 % en 2020, et les fusions et acquisitions transfrontalières
ont augmenté de 54 %, principalement dans les industries des TIC et des
produits pharmaceutiques.
L’Inde, autre grande économie
émergente, a également enregistré une croissance positive (13%), dopée par les
investissements dans le secteur numérique.
L’analyse croisée des flux
d’investissements entrants et sortants confirme bien une réalité établie sur le
déséquilibre des forces au niveau mondial. C’est ainsi que parmi les vingt
premiers pays destinataires, on ne trouve aucun pays arabe ou africain alors
que du côté des pays émetteurs, seuls les EAU y figurent. Ce sont les pays
développés et les pays émergents qui sont pour l’essentiel destinataires et
émetteurs. Qui plus est, l’Afrique dans
son étendue géographique et avec 20% de la population mondiale, attire moins de
3% des IDE en moyenne! Pour l’année
2020, le Continent est à la peine. Les financements de projets à l’instar des
montages financiers de plusieurs partenaires pour des projets d’infrastructure
ont chuté de 40 %. C’est dans ce contexte qu’il faut lire et interpréter les
données relatives à notre pays.
Ainsi, d’après les données
fournies par l’Office des Changes à fin novembre 2020, le flux net des IDE au
Maroc a atteint 13,83 MMDH, (environ
1,5MM$) soit une baisse de 20% par rapport à la même période de l’année
précédente. Ce résultat s’explique par une diminution des recettes des IDE de
23% à 23,8 MMDH, atténuée par le repli des dépenses de 27%. Cette tendance
baissière s’applique également au flux net des investissements directs
marocains à l’étranger (IDME) qui a reculé de plus de 4,65 MMDH. Les IDME ont
ainsi atteint près de 6,8 MMDH à fin novembre, en baisse de 31,8%.
Dans l’absolu, bien qu’ils
placent le Maroc dans le peloton de tête des pays africains, les flux d’IDE peuvent être considérés comme
insignifiants puisqu’ils ne
représentent en moyenne que 0,2% des
flux mondiaux. Mais en termes relatifs, ils sont loin d’être négligeables dans
la mesure où ils représentent en moyenne 10% de l’investissement global du pays
et autour de 3% du PIB. Année 2020 non comprise.
Il faut donc se préparer pour
l’après- Covid même si les prévisions établies pour 2021 au niveau des IDE ne
dénotent pas une reprise significative. Au contraire, on s’attend de nouveau, à
une baisse de 5 à 10% de ces flux. C’est dire que la concurrence va être rude.
Mais notre pays a toutes les chances et suffisamment de ressorts pour devenir à
la fois plus attractif (pour attirer les IDE) et plus compétitif (pour investir
à l’étranger) s’il arrive à fructifier comme il se doit les atouts dont il
dispose. Sachant, on ne le dira jamais assez, que l’effort doit être
essentiellement au niveau national. D’où la nécessité de poursuivre les
réformes structurelles et sociétales à commencer par la réforme fiscale, la
moralisation des affaires en mettant fin à l’économie de rente, la moralisation
de la vie publique en combattant sans merci le fléau de la corruption… Des signaux forts doivent être envoyés pour
faire savoir que le Maroc est en train de changer. Dans le bon sens s’entend.
Al Bayane le mardi 2
février 2021.
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