La
crise du politique, une crise de confiance
Pr ;Abdelmoughit
BENMESSAOUD TREDANO
Professeur
de science politique et de géopolitique
Université
Mohamed V.
(Un extrait d’un article écrit au lendemain
du désastre électoral de 2007)
« Depuis Adam Smith et Karl Marx jusqu’à Max Weber
et Fernand Braudel, on n’a cessé de s’interroger sur les causes de la «
richesse des nations » ou de leur pauvreté. La plupart des penseurs ont
privilégié les explications matérielles : capital, travail, ressources
naturelles, climat. Et si les mentalités et les comportements constituaient le
principal facteur du développement - ou du sous-développement ? ».[1]
La
société de confiance c’était le titre de son ouvrage…
Ce
qui valable pour le développement l’est pour le politique et tout le reste. Les
sociétés et les Etats sont un tout.
A
quoi sert les élections ?
A
quoi sert les institutions ? Le parlement, le gouvernement ?
Lorsque
l’on sait que le pouvoir est entre les mains du roi.
La majorité,
les programmes des partis, la campagne électorale tout cela n’est qu’un
décorum !!
Cette
année 2021, un long processus électoral est théoriquement programmé.
Si les
conditions sanitaires le permettent .
La question cruciale qui se pose est, sans
conteste, celle de la confiance qui se traduit par une crise à tous les niveaux
D’où
vient cette crise ?
Ci-après
un extrait d’un article écrit au lendemain du désastre électoral de 2007 ou
l’abstention a battu tous les records.
A peine un
marocain sur cinq ne s’était senti être concerné par cette échéance
politico-électorale !!!
22 avril 2021.
LA
CRISE DU POLITIQUE
Depuis
un certain nombre d’années, on constate de plus en plus une désaffection des
citoyens vis- à- vis de la chose politique et publique et ce même dans les pays
démocratiques.
Les manifestations de cette
désaffection peuvent être résumées provisoirement dans les traits
suivants :
- Une
abstention de plus en plus croissante
- Une
régression du civisme
- Des
majorités politiques de plus en plus réduites et hétéroclites
- Une
désocialisation importante d’une grande partie de la population (Les jeunes,
les personnes âgées, les marginaux, les chômeurs….)
- Des
sociétés de plus en plus éclatées
-
L’absence, de plus en plus fréquente, de ce qu’on peut appeler « la
pédagogie de l’exemple »
Les facteurs de la déliquescence au niveau
général
Le constat :
La
défiance via- à -vis du politique en général (« Tous pourris », ou
bonnet blanc, blanc bonnet)
Les
causes :
*La
complexité de plus en plus croissante de la vie en société
*L’ingouvernabilité
des Etats
*La
crise de la démocratie : elle a perdu les deux supports qui l’ont porté
depuis son affirmation en Occident au XIXème siècle à savoir la nation et le la
notion du collectif (d’appartenance à un peuple/ et de sentiment solidaire)
-Le
cadre de l’Etat -nation avec le développement de la supranationalité (Ex :
UE)
-Le
Collectif /ou sentiment d’appartenance à un peuple et de solidarité collective :
développement d’un trop plein de protections de l’individu au détriment du
collectif, de l’intérêt général
*Le
désengagement des Etats des services publics (L’Etat providence contesté et
remis en cause sous la pression de la vague libérale depuis les années Reagan
et Thatcher et confortée durant la décennie 90 jusqu’à la crise de septembre
2008 et ses prolongements actuels)
*Les
effets déstructurant d’une mondialisation non -régulée
* La
déliquescence des acteurs de la socialisation (La famille, l’école et l’espace
public : Associations, syndicats, partis politiques)
*Les
effets pervers de l’image et de communication notamment en matière de
consommation et de besoins (une société consumériste effrénée) ; une pression
de plus en plus importante au niveau de
la demande globale face à la faiblesse de la création de richesses :
« Tout le monde veut Tout et Tout de suite ».
*La
disparition des grands projets mobilisateurs et l’absence des personnages
charismatiques
*La
banalisation du politique et des responsables politiques
: une sorte de «désacralisation» de l’homme politique avec le processus de
«peopolisation»
Les facteurs de la déliquescence au niveau
du Maroc
En
plus des raisons explicitées plus haut, il y a des causes spécifiques au
Maroc :
- Affrontement
historique entre deux légitimités avec toutes les conséquences sur les partis
politiques dits d’opposition.
-
Les limites du système politique face à l’évolution historique et sociologique
-
Des gouvernements pléthoriques et hétéroclites sans cohérence politique
- Ministères de souveraineté (plus moins
limités depuis 2011/ avec un contrôle et une tutelle à distance…)
- Marge de manœuvre limitée du gouvernement et
effritement de ses compétences au profit d’organismes extra-gouvernementaux (commissions
et fondations)
- La faiblesse de l’institution du premier
ministre ou l’autolimitation (ex : le partage en matière de nomination,
malgré la réforme constitutionnelle de 2011…)
-
Dysfonctionnement entre les différents gouvernements et l’administration
centrale et territoriale (à cause de l’omniprésence du ministère de
l’intérieur), surtout lorsqu’il est assuré par un proche du système et ce
malgré la réforme de 2011
Source :
« La question politique, démocratique et partisane au Maroc »,
Abdelmoughit BENMESSAOUD TREDANO
In « Les élections locales du 12 juin 2009 et la question
politique et démocratique » ; (sous la direction de A. Benmessaoud
Trédano,), Avril 2010, 300p. Publications du CRESS.
[1] La quatrième de
couverture du livre La société de Confiance, Essai sur les origines et la
nature du développement d’Alain Peyrefitte, Éditions Odile Jacob.
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