Pr. Abdelmoughit Benmessaoud Tredano
Université Mohamed V- Souissi.
En effet,
l’histoire des rapports entre pays producteurs et consommateurs, l’importance
de cette énergie dans les rapports mondiaux, son utilisation comme arme
politique et la position dominante du Moyen- Orient dans ce secteur n’ont pas
fondamentalement changé.
En revanche, deux
faits majeurs méritent d’être rappelés qui ne sont pas développés dans cette
étude ; il s’agit de découvertes d’une grande importance du gaz en
Méditerranée orientale. Ce qui ne fait que consolider le rôle de cette région
et la dépendance du monde de ladite région en matière d’hydrocarbure.
Deuxième fait qui
mérite un intérêt ; c’est le changement de statut des Etats-Unis d’une
puissance importatrice à un pays exportateur. Ce qui ne fait que limiter la
dépendance de ce dernier du Moyen-Orient. Sa volonté de contrôler la région est
dictée moins pour satisfaire ses besoins internes en pétrole et en gaz que pour
maitriser cette énergie dans ses rapports potentiellement conflictuels avec les
puissances émergentes.
Toutefois un bémol
à cette assertion ; c’est que l’autonomie des Etats-Unis du pétrole du
Moyen-Orient est somme toute relative car elle dépend du prix de cette énergie.
Sachant que la production américaine en matière pétrolière et gazière est
fondée sur l’exploitation du schiste, production qui reste chère par rapport au
pétrole classique et dépendant du marché pétrolier et de la conjoncture
mondiale.
26 avril 2021
I – Quelques données fondamentales et quelques mythes.
II – La
diplomatie des Etats au service d’une politique pétrolière : pour une
maîtrise politique de la ressource.
1)
Domination
et affrontement.
2) Enjeux géopolitique et maturité du marché
pétrolier : du début du dialogue.
III – Le
pétrole, un instrument pour une ambition impériale : le cas des
Etats-Unis.
A l’instar du charbon durant le 19ème siècle, le pétrole a structuré,
durant tout le 20ème siècle, les rapports au sein des pays industrialisés et
entre ces derniers et les pays producteurs de l’or noir.
Dans l’imaginaire collectif, le Moyen-orient a constitué
une zone quasi- mythique par rapport à cette source d’énergie ;
convoitises, enjeux, guerres, chocs et contre-chocs… constituent les mots clés
souvent mêlés à cette région et à ce produit.
Entre les deux guerres ,l’accord dit de la Ligne rouge ([1]), a déterminé
largement les rapports entre les pays producteurs (notamment au Moyen-orient)
encore colonisés ou sous influence coloniale et les sociétés pétrolières
dominantes dans ce secteur.
Après le second
conflit mondial, l’accord conclu entre le président américain Franklin D.
Roosevelt et le Roi Abdelaziz Al –Saoud en 1945 ([2]
) a, à son tour, structuré au niveau mondial la question de la production, de
la fixation des prix et de la sécurité d’approvisionnement en pétrole des pays
industrialisés ; le tandem américano-saoudien a réussi, malgré quelques
soubresauts et quelques velléités d’indépendance des pays producteurs (création
de l’OPEP en 1960), à stabiliser, trois décennies durant, le marché pétrolier
international.
Les deux chocs pétroliers en 1973 et 1979 (après la guerre
israélo-arabe d’octobre et la révolution iranienne) ont constitué un tournant
au niveau des modes de consommation des pays industrialisés, de la recherche
des énergies de substitution, des rapports entre pays producteurs et
consommateurs. Bref la géopolitique pétrolière au niveau international est
entrée dans une nouvelle ère.
Pendant longtemps, et ce depuis la découverte en Iran du
premier puits de pétrole au début du
20ème siècle, souvent les Etats aussi bien producteurs que consommateurs
étaient derrière les grandes décisions et orientations dans le secteur
pétrolier.
Après les deux chocs pétroliers, progressivement pour des
raisons diverses, le secteur a commencé à être, de plus en plus, soustrait aux
influences polico- diplomatiques et davantage soumis aux lois du marché.
Conscient d’une interdépendance bien établie, les pays
producteurs et consommateurs ont encouragé cette nouvelle tendance ;
l’institutionnalisation et la maturité du marché ne pouvaient que la conforter.
Complexe, sensible et fortement névralgique, le secteur
pétrolier, au niveau de l’évaluation des réserves, de la quantité de la
production, de la fixation des prix ainsi que des rapports producteurs /
consommateurs ont fait l’objet de légendes, de mythes et de perceptions controversées
et souvent contradictoires. Pour pouvoir appréhender valablement la
géopolitique pétrolière internationale, il importe d’expliquer d’abord
l’intérêt et les enjeux de certains chiffres et de mettre fin à certains
mythes.
Le cadrage historique permettra, dans une certaine
mesure, d’évaluer les enjeux de ce produit et d’apprécier les comportements des
Etats et des compagnies pétrolières.
Deux grandes phases historiques en ressortent ; la
première est marquée par un rapport de confrontation/domination entre pays
producteurs et pays consommateurs et la seconde (très récente/après les deux
chocs pétroliers) traduit une volonté de dialogue et de concertation entre ces
deux protagonistes.
Enfin, pour illustrer l’importance de cette source
d’énergie dans l’économie mondiale et dans les rapports entre les puissances
quant à son contrôle politique dans deux zones névralgiques (la Caspienne et le
Moyen-orient) on exposera brièvement les soubassements de la guerre
anglo-américaine en Irak en mars 2003.
Le travail sera donc décliné en trois volets :
I- Quelques données fondamentales et quelques mythes.
II- La diplomatie des Etats au service d’une politique
pétrolière : pour une maîtrise de la ressource.
III- Le pétrole comme instrument d’une ambition
impériale : le cas des Etats-Unis
Le Moyen-Orient recèle 64% des réserves mondiales. Plus
préoccupant, « …dans vingt ans, s’il n’y a pas de découvertes majeures, il
n’y aurait plus de pétrole en Amérique du Nord, ni en Europe, presque plus en
Afrique, ni même une Russie. L’OCDE, comme les NOPEP (Pays exportateurs non-
membres de l’OPEP)
seraient à sec »[3]. Alors que le Moyen-Orient
continuera encore à produire pendant trente (30) ans supplémentaires ! !
L’OPEP contrôle aujourd’hui 40% de la production dans le
monde, 60% des exportations et 75% des réserves.
Les Etats Unis consomment 25% de la production mondiale,
importent 50% de leurs besoins. Plus inquiétant encore, au rythme de leur
production et consommation actuelles, ils épuiseront leurs réserves dans dix
ans ([4]). De même, le pétrole
constitue 40% de la consommation mondiale d’énergie et occupe une place
prépondérante dans les échanges internationaux.
Des chiffres qui donnent le vertige. Il est vrai que
ceux-ci reflètent la situation actuelle. Mais il importe de savoir que le
Moyen-Orient a, depuis le début, occupé une position centrale dans la scène
pétrolière. C’est justement cette situation qui est à l’origine de certains
mythes ; si ceux-ci reflètent une part réelle de l’histoire géopolitique
du pétrole, une appréciation affinée mérite d’être faite.
Comme un épouvantail, la fin proche du pétrole a été
souvent avancée, et à chaque fois
l’échéance est repoussée. Déjà en 1972, les membres du club de Rome avaient
tiré la sonnette d’alarme sur l’idéologie productiviste, l’épuisement des
ressources et les déséquilibres écologiques subséquents ([5]).
La dépendance de l’économie des pays industrialisés de
cette source d’énergie et l’angoisse sur la sécurité d’approvisionnement qui
lui est inhérente, contribuent à renforcer l’idée de la rupture physique ce qui
explique, en partie, la tension permanente et le nombre de conflits qui s’y
rapporte.
En tout cas la réserve est limitée et l’échéance est
relativement mesurable ; plus nuancés, d’autres analystes estiment que
« le fait majeur de la
période qui s’annonce ne sera probablement pas géologique mais
géopolitique … » ([6]).
Autre idée reçue, c’est la dépendance des pays
consommateurs des pays producteurs et le dictat imposé par ces derniers sur les
premiers. Si dans la phase historique dite politique correspondant aux
décennies 60 et 70 et en relation avec le conflit du Moyen-Orient, cette
dépendance était forte, elle a, cependant, progressivement perdu en intensité
notamment depuis le contre-choc pétrolier de 1986 ; la faiblesse de l’OPEP
([7]), la venue de producteurs
de pétrole occidentaux (Norvège et Royaume Uni), l’institutionnalisation et une
meilleure organisation du marché pétrolier, la vague libérale de la décennie 80
(sous l’effet de la politique de Margaret Thatcher et R. Reagan) et la
prépondérance américaine (après 1989) ont contribué largement à cet état de
fait.
Mais réduire
l’ensemble du secteur pétrolier à un clivage producteurs/ consommateurs et
à une opposition radicale d’intérêts
n’est pas toute la réalité. En effet, ce domaine a énormément évolué et a gagné
en complexité ; on a pu observer l’apparition de nouveaux producteurs et
de nouveaux consommateurs donc une répartition géographique plus diversifiée de
l’offre et de la demande mais avec une
forte concentration géographique de la réserve au Moyen-Orient.
Ce clivage pays
producteurs / pays consommateurs souvent assimilé allégrement à un affrontement sud/sud ou abusivement Occident
/ monde arabo-musulmane (eu égard à l’importance de la réserve au Moyen Orient
et la persistance de la question palestinienne) commence à changer ne serait-ce que par la venue de
nouvelles puissances consommatrices en l’occurrence la Chine et l’émergence de
nouvelles zones pétrolières telles que la Caspienne et l’Afrique.
Si le premier facteur peut influer sur la géopolitique
pétrolière internationale (la Chine qui devient un gros consommateur et
l’Amérique qui s’installe en Asie Centrale, à la faveur de la guerre de
l’Afghanistan et espère s’incruster au Moyen-orient à la suite de la guerre
contre l’Irak) le second, eu égard aux limites de ses réserves actuellement
prouvées n’y jouera pas un rôle déterminant.
En effet, les analystes estiment, selon les données
actuelles que « les pays en développement passeraient d’un tiers environ
de la consommation mondiale aujourd’hui à plus de la moitié en 2020 et à 60% en
2030 : la Chine consommerait ainsi en 2030 20% du pétrole mondial, contre
5% aujourd’hui »[8].
L’actualité politique liée aux interventions des
Américains en Asie centrale et au Moyen-Orient préfigure la géopolitique
pétrolière internationale de demain à l’aune du rôle que ceux-ci y joueraient.
On a souvent soutenu que la question pétrolière est plus
marquée par des incertitudes que par des certitudes. Il n’empêche que tous les
chiffres et les indications disponibles montrent que l’économie mondiale
dépendrait de plus en plus du Moyen-Orient.
Les réserves de la mer
Caspienne ne changeront pas fondamentalement cette donnée.
En effet, au moment où le Moyen-Orient recèle 64% des
réserves mondiales et contribue à concurrence de 31% de la production mondiale,
la Caspienne n’offre respectivement que 6% (en fait il s’agit de tous les Etats
de CEI y compris la Russie) et 11% ([9]) .
Si le pétrole du Moyen-Orient est facile à évacuer celui
de la Caspienne est soumis aux aléas de l’instabilité politique. D’autres
régions offrent quelques perspectives comme l’Afrique (mais en eau profonde et
dans un continent où l’instabilité est la règle) mais eu égard aux limites de
leurs réserves, l’importance de la place du Moyen -Orient ne peut qu’accroître.
Et si cette région a connu quatre (4) guerres avec comme
toile de fond la question palestinienne et trois guerres du golfe ce n’est pas
le fait du hasard.
En effet, depuis la découverte du premier puits pétrolier
en 1908 en Iran, la région n’a pas cessé de faire l’objet de convoitises des
puissances et des sociétés pétrolières.
La prégnance de cette région, abstraction faite de
l’importance de ses réserves, sur le reste du monde est telle qui on a
l’impression qu’elle est la seule à renfermer du pétrole. Il est incontestable
qu’elle a structuré les rapports inter étatiques en matière pétrolière et elle
continue à le faire avec une domination accrue.
Depuis le début
du 20ème siècle, les puissances industrielles avec le soutien et / ou la
participation de leurs compagnies pétrolières, ont investi directement le champ
pétrolier notamment au Moyen-Orient eu égard au potentiel soupçonné déjà à
l’époque.
Dans le sillage du partage territorial entre Anglais et
Français (les accords Sykes-Picot de 1916 et ajusté à San Remo (avril 1920) et
l’accord pétrolier dit de la Ligne rouge de 1928, les possessions pétrolières
et les modalités de leur exploitation étaient déjà définies. Globalement cette
situation n’a pas changé jusqu’à 1945.
A peine introduit en 1928 dans le partage du
« fromage » pétrolier[10] ,
les Américains deviennent dominants au lendemain du second conflit mondial ; l’accord de
1945 avec les Saoudiens leur a conféré une place prépondérante.
Hantés par la sécurité de
l’approvisionnement et intéressés par un pétrole à bas prix, les puissances
industrialisées se sont évertuées à contrôler politiquement et économiquement
les sources d’énergie.
Ce rapport de domination s’est traduit par plusieurs tensions
et conflits.
En effet, dans une
toile de fond de décolonisation, de
rivalité Est-Ouest, d’idéologie tiers-mondiste et panarabe, les premières
velléités de reprise en main de cette richesse nationale se sont déjà
exprimées.
La première manifestation dans ce sens était la
nationalisation du pétrole iranien en 1951 par le Premier ministre Mohammed
Mossadegh, expérience vite avortée à cause de coup d’Etat organisé par la
CIA ; cet acte s’est traduit non seulement par la fin de cette expérience
mais aussi par l’éviction des Anglais et l’installation des Américains en Iran.
La guerre du Biafra (1967-70) où les Français soutenaient
la sécession au Nigeria, en partie, à
cause du pétrole, la guerre civile angolaise (1975-2000) entretenue, entre autres
raisons, pour le contrôle de cette ressource, la guerre ethnique au Congo
Brazzaville (1992-97) et tout récemment les tentatives de déstabilisation du
président H. Chavez au Venezuela (2002-2004) par une opposition interne
soutenue par les Américains constituent quelques exemples édifiants de tensions
ou de conflits qui sont souvent suscités par les convoitises des puissances
étrangères et parfois relayés au niveau interne par les pouvoirs en place ou
leur opposition.
Ces exemples montrent si besoin est que le marché jouait
un rôle accessoire dans la détermination de la
production et de la commercialisation du pétrole et que la dimension
politique, souvent traduite par des coups d’Etat et / ou des guerres civiles,
domine fortement le champ pétrolier.
Le contrôle politique de la ressource était le
leitmotiv des puissances industrialisées. En l’absence d’un dialogue entre
producteurs et consommateurs, ces derniers, préoccupés par la sécurité
d’approvisionnement ; ne pouvaient agir autrement.
Dans ce climat de défiance, les pays producteurs pour
préserver la ressource et surtout obtenir un juste prix ont cherché à
s’organiser ; la création de l’OPEP en 1960 et la culture tiers-mondiste
fortement revendicative inscrite dans le cadre du groupe de 77 et de la CNUCED
en vue d’un nouvel ordre économique international, (à cause de la détérioration
des termes de l’échange) ne pouvaient que conforter le climat d’affrontement,
le point culminant de ce processus de tension était les deux chocs pétroliers
(1973-1979).
A deux reprises, et surtout lors de la guerre
israélo-arabe, le pétrole a été utilisé comme arme politique contre les pays
dits « inamicaux » laquelle utilisation a constitué une mutation
profonde de la géopolitique pétrolière internationale.
Conscients de leur dépendance vis-à-vis de cette source
d’énergie et de la zone du Moyen-Orient les Etats industrialisés, sans changer
radicalement de mode de consommation et de vie, ont adopté un train de mesures
pour en limiter l’acuité ; c’est
justement dans ce contexte précis que l’idée du dialogue entre pays
producteurs et consommateurs a été lancée. Le dialogue euro- arabe, peut être
inscrit dans cette lignée même s’il n’a abouti à rien de concret. Il n’empêche
qu’il a contribué à conforter l’idée d’une prise de conscience et de la
nécessité d’un dialogue salutaire pour les deux protagonistes.
Pour
pouvoir apprécier l’évolution de la géopolitique pétrolière
internationale, il importe de faire une
observation préalable.
D’ici 2020, s’il n’y a pas de fait majeur (rupture
d’un producteur important tel que l’Arabie Saoudite par exemple) l’économie
mondiale ne manquera pas de pétrole ; la réserve physique existe. Au- delà
de cette date, le monde dépendra largement du Moyen-Orient.
C’est justement cette concentration géographique de
l’offre (64% des réserves et 31% de la production mondiale) qui peut rendre le
marché pétrolier sensible et accoucheur de multiples tensions ([11]).
Par ailleurs, le contexte politique international,
notamment après les attentats du 11 septembre 2001 ne peut qu’aiguiser les
frictions et soumettre le marché pétrolier à des secousses qui peuvent ne pas
être contrôlables ; la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme,
la guerre contre l’Irak et l’absence de solution prévisible de la question
palestinienne ne sont pas de nature à favoriser un apaisement de ce marché.
Eu égard à la sensibilité et la complexité du secteur
pétrolier, le marché peut-il jouer le rôle d’amortisseur ?
Aujourd’hui, il est révolu le temps où la destinée du
pétrole se réglait plus ou moins dans les chancelleries occidentales et les
palais des pétromonarchies.
En effet, « … après les chocs pétroliers, le marché
pétrolier s’est rapproché des autres marchés de matières premières … » et
dans ce contexte mondialisé il est de plus en plus difficile et
improbable « toute manipulation des flux à des fins politiques
… »[12].
Que peut le marché ? Quels sont les acteurs qui y
interviennent ? Y-a-t-il encore une place aux Etats producteurs et
consommateurs dans la géopolitique pétrolière internationale ?
De nombreux
analystes estiment que parmi les facteurs qui peuvent contribuer à créer un
contexte d’apaisement et de stabilité du secteur pétrolier, notamment au niveau
des prix, c’est justement le marché[13] .
« L’OPEP fixe le prix avant la virgule et les traders après la
virgule »[14]. Une
formule lapidaire qui peut résumer un certain rôle du marché.
Il est établi que le marché pétrolier de plus en plus
normalisé (proche des marchés des
matières premières) et ayant
gagné en maturité y participe grâce aussi à facteurs structurels liés à ce
secteur et à l’autonomie des compagnies pétrolières.
A titre d’exemple on peut citer le fait suivant: en
effet, « les compagnies pétrolières américaines se sont intéressées à la
mer Caspienne bien avant que le département d’Etat soit à même d’articuler une
politique cohérente dans cette région »[15].
De même, les mêmes compagnies s’opposent, pour des raisons
de rentabilité et de sécurité, au choix fait par l’administration américaine
quant aux différents itinéraires des oléoducs, pour l’évacuation du pétrole de
la Caspienne, faits ou projetés à travers des pays comme la tchétchènie,
l’Azerbaïdjan ou l’Afghanistan ! ! Et tout cela pour éviter la route
russe et iranienne[16].
Est- ce à dire que les Etats ne peuvent ou ne doivent
plus intervenir dans le secteur pétrolier ?
Même dans ce contexte dominé par la vague libérale et
l’économie mondialisée, l’intervention des Etats, aussi bien producteur
que consommateurs, est souhaitée et souhaitable parce que des contraintes de
nature diverse la commandent.
Les raisons sont d’ordre économique, sécuritaire et
géopolitique ; en effet les crises majeures ne peuvent être absorbées ni
par le marché ni par les stocks stratégiques. Ne serait-ce que pour cette
raison, le dialogue entre pays producteurs et consommateurs devient impératif
et catégorique.
Le dialogue est nécessaire parce que, comme on l’a déjà
souligné, l’interdépendance entre producteurs et consommateurs est un fait bien
établi. Le dialogue est nécessaire parce que la permanence des rentes pour les
premiers (situation socio-économique de la quasi-totalité de ces pays, pour des
raisons différentes, est peu enviable) et la sécurité l’approvisionnement des
seconds sont aussi vitales pour les uns que pour les autres.
Le cadre existe. Il s’agit du conseil mondial d’énergie
(voir lexique en annexe) et du Forum international de l’énergie qui est,
quant à lui, présenté
« officiellement comme un
rassemblement informel de ministres de l’énergie de pays producteurs et
consommateurs d’énergie dont le but est d’établir la confiance, d’échanger des
informations et de développer une meilleure compréhension des enjeux
énergétiques sous-jacents à l’échelle mondiale »[17].
Ce forum a eu sa 7ème édition en novembre 2000
à Riad, marquée, entre autres, par le retour des Etats-Unis.
Pour son efficacité et sa réussite, il importe aux
protagonistes d’en préciser les termes et les perspectives.
A la lumière des différents forums et d’autres
manifestations internationales, il ressort les préoccupations suivantes :
développer la multilatéralisation en intégrant d’autres acteurs comme les
industriels, les ONG, société civile … et autres pour sortir du clivage
producteur/consommateurs.
Nombreux sont les Etats qui souhaitent aussi
l’élargissement de l’ordre de ce dialogue pour l’inscrire dans une
problématique globale.
Enfin, tout le monde s’accorde à dire pour inscrire aussi
ce dialogue, ainsi que les décisions et les actions qui peuvent en sortir dans
la perspective de la sortie du système de consommation fondé sur les
hydrocarbures ; cette sortie programmée dans l’an 2050 appelle des mesures
d’accompagnement pour éviter les dérives, les tensions et les conflits. Il y va
de l’intérêt de toute la communauté internationale.
Comme on l’a déjà dit le Moyen-Orient recèle
66% des réserves mondiales de pétrole et l’Irak dispose de la 2° réserve.
Certains analystes considèrent que le sol mésopotamien pourrait en receler une
quantité équivalente à celle de l’Arabie saoudite c'est-à-dire environ 230 à 240 milliards barils [18].
Tout pour susciter convoitises et appétits.
Le taux de dépendance pétrolière des
Etats-Unis croit d’une manière substantielle ; il était de l’ordre de 35%
en 1973, il est actuellement à 54.3% et il est prévu qu’il soit de l’ordre
de 67% en l’an 2020 [19].
Vis-à-vis du Moyen-Orient, ils en importent environ 23.8%.
Il est vrai que les Etats-Unis ont
diversifié, ces dernières années, leurs sources d’approvisionnement ;
seulement comme on l’a déjà souligné, dans vingt ans, s’il n’y a pas de
mutations majeures, le monde dépendrait du Moyen-Orient pour son pétrole.
Avant le déclenchement de la guerre
anglo-américaine contre l’Irak en mars 2003, un débat controversé a été remarqué sur ses véritables
raisons ; si le pétrole et une des raisons, elle n’est pas la seule [20].
La guerre en Afghanistan (2001) et celle de
l’Irak (2003) s’inscrit dans une stratégie globale ; l’objectif, à long
terme et de se maintenir comme puissance et ce en empêchant les pays
prétendants d’émerger.
Pour se maintenir en tant que puissance et surtout retarder l’échéance
du déclin, les Etats-Unis doivent :
-
Réduire les chances et les atouts des pôles émergents comme l’Europe,
la Russie, le Japon et la Chine.
-
Moderniser et adapter les forces armées américaines aux «
nouvelles menaces ».
-
Lutter contre le « terrorisme » et neutraliser les Etats dits
« terroristes » ou « voyous » (doctrine de la guerre
préventive).
-
Sécuriser et dominer les régions recelant les réserves les plus
importantes d’hydrocarbures.
« L’objectif des Etats-Unis, dit
Emmanuel Todd, n’est plus de défendre un ordre démocratique et libéral qui se vide lentement de sa substance en
Amérique même. L’approvisionnement en bien divers et en capitaux devient
primordial : le but stratégique fondamental des Etats-Unis et désormais le
contrôle politique des ressources mondiales ([21]).
Mais le plus important, et sur la base des
mêmes chiffres concernant les réserves du Moyen –Orient et leur dépendance de
plus en plus accrue de la région, le contrôle politique par l’Amérique du Moyen
-Orient s’inscrit dans sa stratégie d’endiguement des pôles émergents :
« la vérité est que, par le contrôle des ressources énergétiques
nécessaires à l’Europe et au Japon, les Etats-Unis pensent garder la
possibilité d’exercer sur eux des pressions significatives » (21).
L’occupation de l’Irak ne serait donc qu’une
étape vers une véritable conquête de la région au service d’une ambition
impériale.
De l’énergie
et son utilisation. Elle est composée de 90 comités nationaux
1 baril =
159 litres
1 tonne =
7.3 barils.
1 baril/jour
= 50 tonnes/an.
Tep Tonne-équivalent
pétrole. Unité d’énergie commune aux différentes sources.
.Marché spot Marché au jour le jour portant sur des cargaisons. S’oppose aux contrats à moyen terme.
Panier OPEP Prix
de référence de l’OPEP calculé sur la base des cours spot des sept bruts
différents.
Marqueur En
anglais benchmark. Brut de référence d’un marché, grâce auquel sont
déterminés les prix des autres types de bruts.
WTI Western Texas Intermediate. Marqueur de la zone Amériques, basé sur un brut local produit aux Etats-Unis.
NYMEX New York Mercantile Exchange, place financière des Etats-Unis où sont réalisées les transactions sur le WTI et sur les produits
Pétroles
conventionnels Pétroles
pouvant être exploités dans les conditions économiques et
techniques actuels.
conditionnels plus
coûteux à extraire.
Ressources en Ressources existant physiquement dans le sol avant tout d’extraction
place
Bibliographie
I – Ouvrages et annuaires
5) Emmanuel
Todd, Après l’empire, Essai sur la décomposition du système américain
Gallimard, 2002, 233.p
II Articles.
1) Philippe Chalmin, géopolitique des ressources naturelles, 2002, Ramsès, 2000, pp. 91 – 102.
[1]
- Voir en annexe quelques développements sur cet
accord.
[2]
-Ce deal a consisté à assurer la protection de l’Arabie Saoudite par les
Etats-Unis contre la sécurité de l’approvisionnement en pétrole et à bon
marché.
[3]
- Philippe CHALMIN, Géopolitique des
ressources naturelles : prospective 2020, RAMSES, 200, pp. 91-102, p. 95.
[4]
- Youssef Michel IBrahim, La vraie bataille pour le pétrole commence, interview
accordée au journal Le Monde 13-14 avril
2003, voir aussi notre ouvrage, l’ONU, Etats-Unis, l’Irak. De la mère des
batailles à la guerre des faucons, coll. Confluences, 2003, 189 p, pp. 129-155.
[5]
- Janine Delannay et autres, Halte à la croissance, Ed. Fayard, 1972, 314 p,
voir les pages 7-14.
[6]
- Document d’un séminaire de l’ENA (française) intitulé « Energie et
société », 2002, 94 p, p. 63.Cité ci- après Document de l’ENA
[7]
- Après le contre-choc pétrolier de 1986, les revenus de l’OPEP sont passés de
280 milliards de $ en 1980 à 155 en 1986 et sa part de production de 47% en
1979 à 30% en 1985. Agnès Chevalier, le marché du pétrole en déroute, in
Y.Lacoste (sous/la direction) l’Etat du monde 1986, Annuaire économique et
géopolitique mondial, Ed.
[8]
- Document de l’ENA op.cit, p. 14.
[9]
- Document du séminaire de l’ENA, op.cit, pp. 36-38 et 81, voir aussi l’Atlas
du Monde diplomatique, 2002, pp. 99 ; Philippe Chalmin, op.cit, p. 95.
[10]
- Véronique Maurus, l’accord piège de la
ligne rouge, Le dossier du Monde, 13-14 avril 2003.
[11]
- Voir en annexe le détail concernant les chiffres relatif à la réserve,
production et consommation mondiale.
[12]
- Document du séminaire de l’ENA, pp. 27-29.
[13]
- Sur les modalités de fonctionnement du
marché pétrolier voir en annexe le lexique portant sur les différents marchés
et marqueurs existant.
[14]
- Document du séminaire de l’ENA, p. 28.
[15]
- Vicken Cheterian, Grand jeu pétrolier
en Transcaucasie, Manière de voir, N° 60, novembre-décembre 2001, p. 83.
[16]
- Document du séminaire de l’ENA, p.
49,Philippe Chalmin, op.cit, p. 95.
[17]
- Document du séminaire de l’ENA, op. Cit.pp.61-62
[18]
Annie Kahn, les deuxièmes réserves du
monde, Le Monde 13-14 avril, 2003, Serge Marti, Sous la guerre le pétrole, Le
Monde, Dossier et documents, N°319, avril 203 ; Yahya Sadowski, vérités et
mensonges sur l’enjeu pétrolier, Le Monde diplomatique, avril 2003.
[19] Philippe S.
Golub, les Etats-Unis, hyper puissance mondiale. Dépendance énergétique et
interventionnisme, Atlas du monde diplomatique, 2000, p 98.
[20] Pour plus
de développement sur cet aspect voir notre ouvrage, op. Cit. , surtout les
pages 129-155.
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