Les USA sont devenus le premier producteur mondial de pétrole
par Abdelouahad GHAYATE
chercheur en géopolitique et en science politique
université Mohamed V
Les États-Unis sont devenus un exportateur net de
pétrole pour la première fois en 75 ans. Le boom du schiste a conduit le pays
vers l'indépendance énergétique, les cotations des producteurs de pétrole
américains augmentent de façon spectaculaire. Selon le président américain
Donald Trump, il s'agissait de la première étape vers l'indépendance
énergétique.
Historiquement, les États-Unis ont importé de grandes
quantités de pétrole. L'une des raisons était l'interdiction d'exportation, qui
a duré quatre décennies et a été levée fin 2015 par le président Barack Obama.
Le boom du schiste aux États-Unis a commencé au début
des années 2000, et ce, suite à l’utilisation de la technologie de fracturation[1]
hydraulique pour extraire le pétrole des puits pour lesquels les méthodes de
production traditionnelles ne conviennent pas.
La révolution de cette technologie a transformé les
foreurs d'exploration en milliardaires et les États-Unis en le plus grand
producteur du monde, dépassant la Russie et l'Arabie saoudite.
En 2019, selon l'US Energy Information Administration
(EIA)[2],
ils sont au 1er rang mondial pour la production de pétrole (16.7% du total
mondial), 1er rang mondial pour la production de gaz (23.1% du total mondial)
et leur production en pétrole a atteint en moyenne plus de 12 mbj. Tout en
prévoyant que le pays restera exportateur net d'énergie jusqu'en 2050.
Sans pour autant oublier que La consommation
d'énergie primaire par habitant qui est très élevée : 6,81 tonnes d'équivalent pétrole (tep) en
2018, soit plus de 3,5 fois la moyenne mondiale.
Importation du pays en pétrole
Les importations de pétrole n'ont cessé
d'augmenter jusqu'en 2007; cependant, la
crise et la remontée de la production nationale ont permis un franc recul des
importations nettes, qui représentaient encore 40 % de la consommation en
2012, 32,9 % en 2013, 26,5 % en 2014 et 24 % en 2015, puis
rapidement reculé jusqu’à 3,6% en 2018, et ce, grâce à la baisse de
consommation produite par les délocalisations, de la crise de 2008 et à la remontée des productions de
pétrole et de gaz naturel rendue possible par les techniques de forage
horizontal et de fracturation hydraulique..
Les réserves prouvées de
pétrole de schiste étaient évaluées en 2011 à 4,3 milliards de barils
(87 % du total mondial, dont l'évaluation est très peu fiable) ; leur
coût de production est estimé entre 70 et 100 $/baril, donc compétitif
dans le contexte de l'époque où les cours mondiaux du brut dépassaient 100 $/b ;
les deux principaux gisements en production étaient ceux de Bakken dans
le Dakota du Nord, exploité depuis 2003, et d'Eagle Ford
au Texas, exploité depuis 2009 ;
les taux de croissance de leur production, explosifs au départ, ont fortement
décru à fin 2012 [3]
Dépendance en produit
énergétique
« Sur
les trois dernières années, sous mon leadership, notre économie est plus forte
que jamais auparavant. L’Amérique a accompli son indépendance énergétique. Ces
accomplissements historiques changent nos priorités stratégiques [……] Nous n’avons plus besoin du
pétrole du Moyen-Orient ». Telles sont les paroles du Président Américain
Donald TRUMP lors de son discours prononcé suite aux tirs de missiles iraniens
contre deux bases militaires américaines en Irak, il a profité pour défendre
son bilan global. Il a déclaré, entre autres, que son pays avait atteint
l’indépendance énergétique, soit la faculté pour un pays de produire plus
d’énergies primaires (charbon, pétrole, gaz naturel, nucléaire, hydraulique,
énergies renouvelables) qu’il n’en consomme.
Cela signifie que les États-Unis produisent
assez d’énergie pour s’alimenter énergétiquement et qu’ils ne doivent plus
compter sur des exportations de pétrole ou de gaz de l’étranger. Cette
indépendance énergétique est un des éléments clés dans les questions
géostratégiques. Un État qui ne dépend plus des autres pour s’alimenter en
pétrole, par exemple, cherchera moins à intervenir dans des régions dont les
ressources sont indispensables à son propre développement. Ne plus dépendre
d’autres pays pour s’approvisionner en énergie, c’est confortable. Mais c’est
aussi très rentable.
Cette explosion de la production a
significativement réduit la dépendance des États-Unis vis-à-vis du pétrole
étranger et en particulier le pétrole du Moyen Orient quand on compare la
situation actuelle à celle au moment de l’embargo pétrolier arabe des
années 1970 qui avait paralysé l’économie américaine.
Cependant, la pandémie du Covid-19 a frappé de plein fouet la production
mondiale, en produit énergétique, en général et celle américaine en
particulier, causant un effondrement de la demande globale de pétrole en
période de confinement.
Au mois d’avril 2020, la consommation mondiale de pétrole avait chuté
considérablement, conjugué à un choc de demande issu de la propagation du
coronavirus et des mesures de confinement imposées notamment par la Chine s’est
superposé un choc d’offre issu des conséquences de la décision de l’Arabie
saoudite et de la Russie de cesser leur coopération sur le marché, précipitant
ainsi l’effondrement des cours mondiaux. Exemple, les
contrats à terme quoi sont en partie responsables de la chute historique du
pétrole. Le prix du baril américain de pétrole
brut avait coté à la bourse de New York pour livraison en mai 2020 s'est
effondré, terminant à -37,63 dollars, une chute amplifiée par l'expiration
imminente d'un contrat à terme qui a poussé les investisseurs à s'en délester à
tout prix.
Covid-19 a anéanti la demande mondiale de carburant
et mis en faillite plus de 40 foreurs à travers l'Amérique. La quantité exacte
de pétrole qui quittera les côtes américaines dans les années à venir dépendra
en grande partie de la rapidité avec laquelle le monde pourra se remettre de la
pandémie et de la manière dont les politiciens s'efforcent de détourner le
monde des combustibles fossiles. Mais la portée mondiale du schiste américain a
changé les marchés pétroliers pour de bon et reste une arme diplomatique
puissante pour les États-Unis.
Investissement et Cout de production
L'économie des schistes bitumineux traite de la
faisabilité économique de l'extraction et du traitement de ces schistes. cette
faisabilité économique dépend fortement du prix du pétrole conventionnel et de
l'hypothèse que le prix restera à un certain niveau pendant un certain temps.
Dès les années 80, le pétrole en tant que source de
combustible en développement, les coûts de production et de traitement du
schiste bitumineux sont restés élevés en raison de la petite nature des projets
et de la technologie spécialisée impliquée. Un projet à grande échelle de
développement du schiste bitumineux nécessiterait de lourds investissements et
pourrait potentiellement rendre les entreprises vulnérables si le prix du
pétrole baissait et que le coût de production du pétrole dépasserait le prix
qu'elles pourraient obtenir pour le pétrole.
Les différentes tentatives de mise en valeur des
gisements de schiste bitumineux n'ont réussi que lorsque le coût de la
production de pétrole de schiste dans une région donnée est inférieur au prix
du pétrole brut ou de ses autres substituts (prix d'équilibre).
L'une des plus grandes questions sans réponse
auxquelles le marché est confronté est de savoir si la production de pétrole de
schiste aux États-Unis à un coût relativement élevé peut survivre dans un
environnement de prix du pétrole relativement bas (moins de 60 dollars le
baril). Il s'agit du premier test économique de la renaissance du pétrole de
schiste. Alors que la production de schiste s'est avérée jusqu'à présent
résiliente (en raison d'une combinaison de facteurs, tels que l'amélioration
des gains d'efficacité, la baisse du coût des services et le retrait vers les
zones plus productives).
Exportation de pétrole US
Il y a cinq ans, à la veille du Nouvel An, le Theo
T a quitté la côte du golfe du Texas avec le premier envoi de brut de
schiste américain à l'étranger. Le pétrole, recueilli dans les puits voisins de
ConocoPhillips et vendu au géant commercial Vitol Group, a mis le cap sur
l'Italie deux semaines à peine après que les législateurs ont levé une
interdiction de longue date sur les exportations.
C'était le début d'un commerce qui allait remodeler
les marchés mondiaux du pétrole, déplacer le pouvoir géopolitique et
bouleverser des économies entières. Le boom du schiste lui-même a fait des
États-Unis le plus grand producteur de pétrole au monde et les a rapprochés de
plus en plus d'un rêve de longue date de mettre fin à la dépendance au pétrole
du Moyen-Orient. Mais le boom des exportations a créé un marché entièrement
nouveau, envoyant du brut extrait des champs de schiste du Texas, du
Nouveau-Mexique et du Dakota du Nord vers plus de 50 pays, avec des expéditions
dépassant souvent celles de n'importe quel pays de l'OPEP à l'exception de l'Arabie
saoudite.
Selon la déclaration de Karim Fawaz[4], « Ouvrir la révolution
du schiste au monde par la levée de l'interdiction d'exportation a contribué à
faire passer la psychologie du marché mondial du pétrole de la rareté de
l'offre à l'abondance », « Cela a permis à l'industrie américaine de continuer
à croître au-delà de ses limites de raffinage nationales. »
Le gain du schiste américain était la perte de
l'OPEP. Alors que l'huile de schiste inondait le marché, l'OPEP a été
contrainte de céder des parts de marché. Les États-Unis, qui étaient l'un des
plus gros clients de l'OPEP, ont réduit leurs importations mensuelles d'environ
50% depuis la mi-2006. En 2020, les cargaisons saoudiennes vers les États-Unis
sont tombées à zéro pour la première fois depuis au moins 2010.
Les exportations ont transformé le schiste américain
en une épine permanente aux côtés de l'OPEP. Le cartel pétrolier a dû
s'associer à la Russie, au Mexique et à d'autres grands producteurs pour
relancer la production à plusieurs reprises au cours des cinq dernières années,
tandis que le schiste américain étendait sa portée sur des marchés clés.
Critique
En quelques années, les États-Unis sont devenus les
rois du pétrole. La production américaine de pétrole est 2,5 fois plus
importante qu’en 2008 », Si bien que le pays est devenu le
premier producteur mondial, devant la Russie et l’Arabie saoudite. D’ici
quelques années, il devrait même devenir exportateur net.
La production de gaz naturel a elle aussi connu son
plus haut niveau en 2019, en hausse de 11% par rapport à 2018, elle-même déjà
une année record, selon l’EIA. Le sous-secrétaire d’État à
l’énergie a d’ailleurs trouvé un nouveau nom pour désigner cette ressource qui
a vocation à s’exporter : le « freedom
gas » (« gaz de la
liberté »). Selon la Commission européenne, les exportations de gaz
naturel liquide américain vers l’Europe ont augmenté de
272 % depuis juillet 2018.
Néanmoins, toute chose a un prix. À l’origine de la
défiguration du paysage de plusieurs Etats américains par les forages, le boom
de l’exploitation des roches de schiste depuis une quinzaine d’années. Et
l’EIA prédit que le pétrole et le gaz de schiste fourniront encore la
moitié des ressources énergétiques en 2050. Les apôtres de l’exploitation du gaz et du pétrole
de schiste arguent qu’elle permet d’obtenir une énergie plus propre que le
pétrole conventionnel ou le charbon tout en investissant pendant ce temps-là
dans les énergies vertes. Les défenseurs de l’environnement dénoncent, eux, ses
conséquences ravageuses : destruction des paysages, pollution des eaux,
séismes locaux, émission de gaz à effet de serre… Ce nouvel eldorado a, aussi,
un coût pour la santé (cancers, naissances prématurées, impacts sur le système
nerveux et respiratoire…) puisque 17 millions d’Américains vivent désormais à
moins de 1,6 kilomètre d’un puits de gaz ou de pétrole.
Encadré
Technique de production du pétrole du schiste
La fracturation hydraulique (hydraulic
fracturing ou fracking en anglais) est une technique de
fracturation des formations géologiques à faible perméabilité par l’injection
d’un mélange de fluide à haute pression. Elle permet entre autres d’extraire
des hydrocarbures dits non conventionnels,
piégés dans des roches peu poreuses et peu perméables (ex : gaz de de schiste, gaz de réservoir compact, etc.).
Ce mélange de fluide (généralement de l'eau), de
sable et d’additifs chimiques sous haute pression (de l’ordre de 300 bar à
2 500 m de profondeur) repose sur des roches peu poreuses et peu
perméables afin de les fracturer. Le mélange de gaz ou d’huile remonte à la
surface ainsi qu’une partie de l’eau et des additifs injectés.
La fracturation hydraulique est souvent associée à la
technique de forage horizontal qui consiste à orienter en profondeur le tubage
dans l’axe de la couche rocheuse sur 1 à 3 km. Un emboîtement de tubage d’acier
cimenté (« casing ») permet d’isoler totalement le puits et d’éviter
les fuites d’hydrocarbures ou du fluide de fracturation injecté en profondeur.
Le fluide de fracturation est composé de près de 95%
d’eau, de 4,5% de sable et d’approximativement 0,5% d’additifs chimiques. Cette
composition peut varier d’un industriel à un autre.
L’eau est le fluide vecteur de la
pression permettant de briser la roche et de transporter le sable. L’eau douce
est privilégiée pour dissoudre les sels contenus dans la roche-réservoir et
faciliter l’accès aux hydrocarbures.
Le sable est utilisé comme
« agent de soutènement » (proppant en anglais) : il
s’insère dans les fissures ouvertes et a pour effet d’empêcher la roche de
se refermer. La couche géologique devient alors poreuse, ce qui facilite
l’écoulement des gaz et huiles jusque-là emprisonnés dans la roche peu poreuse,
y compris lorsque l’injection d’eau sous pression est interrompue. Le sable peut
être remplacé par d’autres agents de soutènement tels que des billes de verres,
de métal, de céramique ou de résine.
La quantité et la nature des produits
chimiques varient d’un réservoir à un autre selon les caractéristiques
du milieu à fracturer (profondeur, température, perméabilité, porosité, etc.).
[1]
Voir technique de production dite
« technologie de fracturation » encadré
[2]
L'Agence
d'information sur l'énergie (Energy Information Administration ou EIA),
créée par le Congrès des États-Unis en 1977, est l'agence
indépendante de la statistique au sein du ministère de l'énergie des États-Unis.
[4]
directeur de la recherche et de l'analyse pour l'énergie chez
IHS Markit. https://www.bloombergquint.com/global-economics/exporting-the-u-s-shale-boom-has-changed-oil-markets-forever
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