Demain la frontière !!!
Abdelmoughit Benmessaoud Tredano
Pr.de science politique et de
géopolitique.
Université Mohamed V.Rabat
Etats, Nations et peuples ?
Palestine, Cachemire , Katanga , Goa, Québec, Biafra ,
Sahara, Cabinda., Timor oriental , Macao , Hongkong, Flandre , "Padanie
" Kosovo , Écosse , Crimée, Sud du Soudan , Catalogne , Kurdistan…,
Territoires divers et destins différenciés
DROIT DES ETATS, DROIT DES PEUPLES ET SÉCESSION :
LE KURDISTAN ET LA CATALOGNE, PRÉMISSES D’UNE
DÉSAGRÉGATION ÉTATIQUE ?
L’actualité internationale, marquée par deux
référendums successifs, (ou referenda) il y a quelques mois au Kurdistan
irakien (le 25 septembre 2017) et en catalogne ( 1 octobre 2017), poserait la
question de l’avenir de l’Etat-nation et de celui de ces peuples au sein
desdits Etats.
Avec un effet domino, s’achemine–t-on vers la mort de
l’Etat- nation, cadre dominant depuis le XIXème siècle, et l’irruption sur la
scène internationale de petits Etats peu viables au moment où le monde évolue
vers des ensembles mastodontes.
Face à ces velléités indépendantistes, justifiées ou
pas, comment concilier le droit des Etats à l’intégrité territoriale et
l’aspiration réelle ou suscitée des peuples à l’indépendance ?
Au-delà de chaque cas et de sa spécificité, comment
peut-on analyser cette aspiration que peut avoir une partie d’une population
d’un Etat déjà constitué à la séparation ?
En droit international, ce droit a été surtout reconnu
par l’ONU (chapitres 11, 12 et 13 de la charte) aux peuples colonisés.
Et les velléités sécessionnistes de certains peuples,
se trouvant dans des Etats souverains, ont été toutes condamnées en vertu d’un
principe à savoir l’intégrité territoriale des Etats (article 2, § 4 et 7 de la
charte).
Ceci c’est le droit. La pratique relève et révèle
quelques exceptions ; on peut en citer, entre autres les exemples suivants :
A la suite d’une guerre, le Bengladesh, avec soutien
de l’inde, se sépare du Pakistan en 1971.
Le Timor Oriental, "annexé" en 1976 par
l’Indonésie et après un référendum en 1999, devient indépendant en 2002.
Le Kosovo, quant à lui, depuis sa déclaration
d’indépendance en 2008, et avec plus d’une centaine de reconnaissances, son
statut d’Etat totalement indépendant et souverain n’est pas tout à fait achevé
et établi dans la mesure où il n’est pas encore membre de L’ONU.
La Crimée suite, à un mouvement de contestation en
Ukraine et à un référendum organisé en 2014, elle est rattachée à la Russie.
L’indépendance du Kosovo, suite à un référendum, est
acceptée malgré l’engagement de l’ONU de respecter l’intégrité territoriale de
la Serbie (la résolution 1244 en 1999) (1) celui de la Crimée est contesté et
refusé !
Deux poids, deux mesures. Vérité en deçà des Pyrénées,
erreur au-delà.
Le risque de « prolifération étatique » (2) selon
l’heureuse formule de Pascal Boniface , peut chambouler la carte géopolitique
mondiale.
Sous des prétextes divers, besoin en démocratie,
aspiration à plus d’autonomie, des égoïsmes nationaux – des régions plus riches
que d’autres d’un même pays- non- avoués, certaines populations revendiquent
l’indépendance.
Même dans des pays stables et démocratiques, ce type
de revendication devient de plus en plus fréquent ; ainsi, le Nord de l’Italie
sous l’impulsion de la Ligue du Nord - allergique au Sud considéré comme
non-travailleur-, la Flandre en Belgique, nouvellement plus riche que la
Wallonie, l’Ecosse à cause de l’histoire et du pétrole …tous expriment la même
aspiration.
QUE FAIRE FACE CETTE PROLIFÉRATION ?
Le comportement des Etats, de la communauté
internationale et des organisations internationales endossent une
responsabilité première.
Le comportement malhonnête - promesse non tenue - de
Tacher et Reagan avec l’initiateur de la Perestroïka, M. Gorbatchev et leur
soutien à B. Eltsine ont contribué, en plus des problèmes internes, à la
désagrégation de l’URSS.
Leur indifférence voire leurs encouragements, la
Fédération Yougoslave n’a pas résisté aux menaces irrédentistes, nationalistes
et religieuses.
La même attitude a été observée dans le cas du Kosovo.
La même compréhension a été exprimée voire un soutien
en sous-main, notamment israélien à l’indépendance du Sud du Soudan ; la
responsabilité du président folklorique Omar Al Bachir n’est pas à écarter.
L’attitude plus que contestable de la CIJ de l’ONU par
rapport au cas du Kosovo considérant que la déclaration d’indépendance ne
violait «aucune règle applicable du droit international» (3) , est un précèdent
dangereux.
Alors qu’une instance inférieure et interne, en
l’occurrence la Cour suprême du Canada a considéré que «le Québec ne pourrait,
malgré un résultat référendaire clair, invoquer un droit à l'autodétermination
pour dicter aux autres parties à la fédération les conditions d'un projet de
sécession » (4).
L’EXCEPTION N’EST PAS LA RÈGLE
En dehors des cas de la décolonisation, le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, n’a pas à s’exercer théoriquement dans des cas
des Etats constitués.
Les exceptions citées plus haut ne sont que le produit
de jeu d’influence, d’intérêts avoués ou non et de conditions géopolitiques
régionales ou internationales, mais ne sont nullement dictées par les règles de
droit international.
On peut comprendre que des peuples se trouvant dans
des Etats dictatoriaux au Sud de la planète puissent exprimer une telle volonté
d’indépendance. Mais comment peut-on l’apprécier dans les pays démocratiques et
développés ?
L’histoire, les intérêts et le droit ne se conjuguent
pas tout le temps harmonieusement ; la seule considération qu’on peut mettre en
exergue c’est que l’évolution du monde connait un double mouvement : la
constitution de grands ensembles et l’expression d’identités régionales -à
cause des déchirures du passé- mais il faudrait le souhaiter pas forcément au
prix de l’éclatement de tous les Etats !
Toute la question est là. Comment faire pour que les
Etats nationaux soient préservés, les regroupements d’Etats soient encouragés
et les spécificités locales et régionales soient reconnues et leur droit à la
différence respecté ?
C’est une question d’équilibre entre l’Histoire de
chaque entité étatique, les égoïsmes nationaux, la "témérité" des
peuples et la nécessité à la survie et à la pérennité.
ONU, LES ETATS ET LES PEUPLES
Dans la conclusion d’une thèse en 1979 (5) , nous
avons résumé le rapport de l’ONU avec les Etats nouvellement indépendants et le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans les termes suivants :
« Ainsi, dans ce monde nouveau, l'Etat est né en
enterrant l'entité peuple qu'il était censé représenter et défendre...
Lentement, mais sûrement, les rêves entretenus pendant les luttes de libération
nationale se sont dramatiquement effondrés.
Et cela au nom du principe de non-intervention dans
les affaires intérieures des Etats.
Au nom de ce principe l'ONU s'est toujours interdit
tout droit de regard sur le sort réservé à ces peuples par ce monstre froid
qu'est l'Etat. Bien plus, étant faite par et pour les Etats, l'Organisation
mondiale s'ingénie à préserver l'Etat des lieux de ses membres au détriment de
ceux qui les composent à savoir leurs peuples
Après avoir aidé les peuples colonisés à leur
libération des métropoles coloniales, peut-elle encore une fois les libérer de
certains de leurs Etats ? Apparemment non, ou du moins difficilement.
Il faut reconnaître que son aventure décolonisatrice a
été faite et acquise grâce au soutien des Etats de la majorité
anticolonialiste. Appeler ces derniers à s'autodétruire relève de l'Utopie; à
moins qu'on aboutisse au sein de l'ONU à établir un code de conduite minimum,
en l'absence duquel les Etats coupables peuvent être remis en cause en partie
(auto-détermination des minorités étouffées) ou dans leurs totalité
(auto-détermination de l'ensemble du peuple pour manque de légitimité du
pouvoir en place), l'Organisation mondiale après avoir entériné des légitimités
différentes, serait entraînée à contribuer à la consolidation de l'ordre
étatique établi »
/////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////
Notes
1) Réaffirmant l’attachement de tous les États Membres
à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie et de tous les autres États de la région, au sens de l’Acte final
d’Helsinki et de l’annexe 2 à la présente résolution,
2) In « Danger ! Prolifération étatique ».Le monde
diplomatique, janvier, 1999.
3) http://reseauinternational.net/la-catalogne-et-le-kosovo-q…/
4) Idem.
5) Benmessaoud Abdelmoughit "L'organisation des
Nations Unies et les mouvements de libération nationale en Afrique", thèse
de 3e cycle, Université de Grenoble, 1979, 384 pages.
Enregistrer un commentaire