Depuis quelques mois, les militaires en Algérie n’ont
cessé de multiplier les actes d’hostilité à l’encontre du Maroc.
Les derniers en date, la fermeture des frontières
terrestres et puis l’interdiction aux avions marocains, civils et militaires,
d’utiliser l’espace aérien algérien !!
La dernière nouvelle, c’est qu’un conseiller du
président algérien, Arsalan Chikhaoui, lui aurait conseillé d’expulser les
Marocains installés en Algérie (1).
Le cauchemar de décembre 1975 se profile de nouveau à
l’horizon !!
Apparemment, un débat est enclenché parmi les
dirigeants algériens sur l’opportunité de débaptiser l’Avenue Mohamed V se
trouvant en plein centre d’Alger. Si la nouvelle se confirme, c’est "la
fin des Haricots". Lorsqu’on atteint les symboles, il n’y a rien à
attendre de cette " élite" décontenancée.
Par ailleurs, le surarmement des deux protagonistes
n’augure rien de bon.
Sans jouer aux Cassandre, les rapports
maroco-algériens, déjà complexes et compliqués par l’histoire, risquent
d’évoluer vers l’irréparable.
Comment on en est arrivé là ?
Que faut-il faire pour éviter le pire ?
Deux séries de causes : Historiques et conjoncturelles
1.Historiques : la bombe à retardement coloniale
Sans refaire l’historique des relations
maroco-algériennes dans sa phase coloniale et contemporaine, on se contentera
de rappeler deux déclarations qui résument bien la question territoriale et
frontalière entre les deux pays et qui constituent une des causes du
contentieux.
En effet, dans une correspondance échangée entre deux
ministres français, on peut relever l’idée suivante :
La France ne disait-elle pas à propos des frontières
maroco-algérienne « ..qu’il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages à
préciser dans le Sahara les limites de l’Algérie et du Maroc. Le gouvernement
français parait avoir eu alors pour doctrine que la meilleure des frontières
était celle qui n’était pas déterminée… Cette doctrine offrait un double
avantage : on évitait de soulever de délicats problèmes de souveraineté, on
ménageait d’autre part l’avenir d’une éventuelle expansion en direction du
Maroc" (2).
Une autre déclaration, celle –là, émanant du premier
président algérien, Ahmed Ben Bella, qui disait, en décembre 1963, c’est à dire
deux mois après le déclenchement de la " guerre des sables ", «..
l’Algérie a des frontières telles qu’elles ont été laissées par le colonialisme
». (3)
Pourtant, on se rappelle que le Maroc et la Tunisie se
sont engagés vis-à-vis du G.P.R.A. de ne pas soulever la question frontalière
qu’après l’indépendance de l’Algérie. En retour, celle-ci a admis que l’espace
territorial qu’elle allait hériter de la France n’était pas opposable à ses
voisins. Du moins vis-à-vis du Maroc cette promesse a pris la forme d’un accord
conclu entre celui-ci et le G.P.R.A. En vertu de ce texte, le gouvernement
provisoire de la république algérienne « …réaffirme que les accords qui
pourraient intervenir à la suite des négociations franco-algériennes ne saurait
être opposable au Maroc quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines
» (4).
Version bismarckienne du Maghreb (5)
Le guerre d’Algérie de 1963 (considérée par les
dirigeants algériens comme la Hogra), l’échec de leur version bismarckienne du
Maghreb, l’impasse politique, résultant de 10 ans de guerre civile durant la
décennie 90 et la mainmise de l’armée sur le pays et son monopole des richesses
ont constitué, entres autres, l’essentiel des causes du raidissement de
l’attitude des dirigeants algériens.
J’ai toujours soutenu que tant que la génération de
Bouteflika et de ses acolytes, civiles ou militaires, est aux commandes, rien
de décisif ne sera fait dans le sens de l’apaisement et du dépassement.
« Dans les pays du Tiers monde, l’Etat a son armée, en
Algérie l’armée a son Etat », disait Mohamed Harbi, historien émérite et un des
dirigeants du FNL algérien et éternel opposant et prisonnier de Boumediene.
Tout le problème de l’Algérie post-indépendance est
là.
2. Conjoncturelles
L’actualité a fourni aux dirigeants algériens d’autres
prétextes pour rendre les relations avec le Maroc quasi exécrables :
*Le prix du pétrole qui oscille plus vers la baisse
que la hausse ;
*Une profonde crise socio-économique ;
*L’impasse politique interne ;
*Le recul de la diplomatie algérienne face au regain
d’influence du Maroc en Afrique ;
*L’axe Alger/ Lagos/ Pretoria a perdu de sa
"superbe" ;
* Le renforcement de l’alliance du Maroc avec les
Etats -Unis dans un contexte marqué par un large déploiement des grandes
puissances et des puissances moyennes en Afrique.
Ces facteurs, et d’autres, ont constitué les
ingrédients d’un cocktail explosif !
Les leçons des conflits des autres : Irak / Iran
Le Maroc a toujours évité le droit de suite, que le
droit international l’autorisait à utiliser vu que les agressions répétées du
Polisario venaient d’un pays étranger et étaient commises sur la partie des territoires
marocains incontestés !!
Feu Hassan avait en tête le désastre de la guerre Irak
/ Iran. Ce qui explique, en partie, que le contentieux autour du Sahara n’a pas
évolué vers l’affrontement direct.
Eviter d’ouvrir la boîte de Pandore
Le Maroc peut avoir moult griefs à faire à ce voisin
encombrant mais pas au point d’aller à susciter la question Kabyle; On risque
d’ouvrir la boîte de Pandore (6).
L’erreur de 1994, avait donné au pouvoir algérien le
prétexte pour maintenir les frontières fermées.
Avec la question Kabyle dont le caractère sensible
n’es pas contestable et la nouvelle configuration géopolitique régionale et
internationale qui se construit , on est parti pour au moins deux décennies
d’hostilité, d’agressivité voire de haine .
Par ailleurs les alliances des deux pays, renouvelées
et consolidées avec les deux anciennes superpuissances, en l’occurrence les USA
et la Russie, dans leur stratégie de positionnement en Afrique ne sont pas de
nature à faciliter les choses .
Que faire ?
La situation de l’Algérie actuelle est celle du fauve
blessé.
Ménager sans faire de concessions majeures, et agir
sans heurter l’ego des dirigeants algériens qui, avec plus d’un an et demi de
Hirak, ne cherchent qu’un épouvantail commode !!
C’est un équilibrisme difficile à respecter mais il
serait impératif de s’y tenir.
C’est plus facile à dire qu’à faire !
Il n’empêche que c’est la seule voie pour éviter le
chaos du Moyen-Orient, surtout que le Maghreb est dans le collimateur.
La Tunisie est sur un volcan en activité et la Libye
est une caserne à ciel ouvert avec des velléités sécessionnistes ; deux
situations qui ne sont pas de nature à sécuriser cette zone du monde arabe.
Si on ne s’évertue pas à éviter les surenchères,
surtout que les dirigeants algériens jouent leur va-tout, les deux mastodontes
du Maghreb risquent d’être emportés par une bourrasque imprévue !!
29 septembre 2021
(1)https://www.algeriepartplus.com/un-proche-de-tebboune.../
(2) Il s’agit d’une correspondance du ministre
français des affaires étrangères à son collègue de l’intérieur datée du 9
janvier 1886. Cité par A. YAKEMTCHOUK, « les frontières africaines ».op.
cit.41. Pour plus de développement, voir mon ouvrage, Intangibilités des
frontières coloniales et espace étatique en Afrique, préface de Mohamed Bennani
et postface d’Amadou Mahtar M’bow, Paris, L.G.D.J, 1989,225 p., pp. 96- 102
(3 ) Cité par Habib CHERARI, « Démarcations et bornages
des frontières algériennes », Le Mois en Afrique, n° 225-226, octobre-novembre
1984, p.29.
(4 ) Pour le texte de l’accord, voir B. GHALI-BOUTROS,
« les conflits de frontières en Afrique », op. cit.,p. 116. La Tunisie quant à
elle a en effet pris le même engagement. Dans un discours du 17/7/1961, le
président Bourguiba affirmait en effet qu’« en ce qui concerne le tracé de nos
frontières Ouest avec l’Algérie, je prends l’engagement de ne faire qu’avec un
gouvernement algérien indépendant ». Cité par H. GHERRARI, op, cit.,p 20.
(5) Pour plus de développement sur cet aspect
frontalier voir notre ouvrage, Intangibilités des frontières coloniales et
espace étatique en Afrique, op.cit., pp. 137-141. Sur l’aspect édification du
Maghreb, voir Le Sahara marocain : une décolonisation pas comme les autres,
Rabat, Collection Confluences, 1991, 186 p., pp. 89 -124
(6) Droit des Etats, droit des peuples et sécession :
le Kurdistan et la Catalogne, prémisses d’une désagrégation étatique ?
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