CORONA ,
MONDIALISATION ET DÉRÈGLEMENT DU MONDE :
Entre
extinction et survie de l’humain
Abdelmoughit Benmessaoud Tredano
Pr.de science politique et de géopolitique.
Université Mohamed V. Rabat
"Deux
choses menacent le monde, l’ordre et le désordre"
Le
coronavirus n’est pas traité ici que comme déclencheur d’un processus et
révélateur d’une crise multidimensionnelle que connait présentement l’humanité.
La
mondialisation, non plus, n’est pas examinée comme un mode de production et de
distribution des richesses et une forme d’organisation de l’économie mondiale
mais plutôt sous l’angle des effets dévastateurs qu’elle a générés et continue
à le faire.
Les
effets des deux, conjugués, conduiraient éventuellement à un changement de
paradigme dans le monde actuel, notion entendue, selon Edgard Morin dans un
ouvrage très récent, comme " signifiant le principe d’organisation de la
pensée, de l’action, de la société, bref de tous les domaines de ce qui est
humain" .
Seulement
si une prise de conscience universelle est réalisée.
Et à
l’auteur de la complexité et de l’approche du penser global des phénomènes
d’ajouter : « je pense également que la gestation d’un nouveau paradigme se
fait dans la douleur et le chaos, sans pourtant qu’on soit certain qu’il puisse
émerger et s’imposer. Un changement de paradigme est un processus long,
difficile, chaotique se heurtant aux énormes résistances des structures
établies et des mentalités ».
Le
contenu de cet essai est au carrefour de l’économie, du politique, de la
géopolitique, des rapports de compétition entre les Etats et des groupes
d’Etats, bref du devenir de l’humain …
Le monde
actuel , marqué par l’incompréhension totale, des déchirures de tous ordres,
des guerres identitaires, le positionnement des puissances, est sous le coup de
nombreuses et nouvelles menaces.
Elles
font peser sur l'humanité , selon certaines thèses, la menace d’une fin
terrifiante !
Pourquoi
et comment on en est arrivé là ?
L’ORIGINE
DU DÉRÈGLEMENT ET LES MOYENS DE DÉPASSEMENT
Mondialisation
débridée, "islamisme radical" et violent, "choc des
civilisations" ou suivant l’heureuse formule d’Amine Malouf de leur
épuisement , tentation des grandes puissances à vouloir tout accaparer,
émergence de nouvelles puissances et leurs revendications relatives, somme
toute légitimes, à un monde différemment organisé…
Ce
cocktail de facteurs constitue, en fait, à la fois les raisons de déclenchement
et les conséquences qui en découlent.
Au regard
de tous les dégâts occasionnés par le mode économique et de pensée dominant,
les menaces qui en résultent et pèsent sur le monde , que faire pour éviter à
l’humanité un avenir apocalyptique ?
Il n’y a
pas de recettes magiques. Tout ce qu’on peut espérer c’est, par la réflexion
des uns et des autres, de parvenir à explorer des pistes devant créer chez
l’humain un sentiment d’espoir, de sérénité et de quiétude et surtout la
conviction qu’un monde différent est possible !
Il faut
d’abord commencer par réformer la démocratie là où elle existe.
L’installer
là où elle n’arrive pas à s’ancrer.
La démocratie
dans la misère n’est pas concevable. Le développement sans la participation des
citoyens peut paraître difficilement réalisable.
Toute la
question est de savoir comment concilier entre la nécessité démocratique et
l’impératif du développement ?
Comment
les conjuguer au niveau local et global ?
Plus par
un processus de persuasion et d’adhésion que par des contraintes, coercitions
et violences guerrières exercées par les puissances étrangères.
On
connait suffisamment les conséquences désastreuses, occasionnées par ce type
d’interventions en Irak (2003) et en Syrie depuis 2011, pour ne pas les
condamner et les repousser comme modalité de gestion de crise.
Les
enjeux politiques, géopolitiques, les intérêts liés au pétrole, aux réseaux de
Gazoduc (le cas de la Syrie), à la sécurité d’Israël et à l’émergence de la
puissance iranienne ont davantage motivé l’ingérence occidentale qu’une volonté
de démocratisation globale !!
L’UNICITE
DE L’HUMAIN
Partant
du constat de l’unicité de l’humain et des limites de la planète et des risques
de sa dévastation par une tentation infinie et maladive de production, il
serait souhaitable, nécessaire, voire impératif d’explorer les pistes de
réflexion suivantes :
•
Substituer l’idée de choc des civilisations (Samuel Huntington) à celle non pas
de la coexistence mais d’une imbrication et d’une osmose fécondes entre elles,
voire pour une culture de l’empathie.
• Penser
l’organisation du monde ensemble n’est pas une vue d’esprit mais une nécessité
impérative ;
En effet,
l'idée de la gestion commune du monde s'impose plus que jamais, tout en évitant
la formule de Jacques Attali d’un gouvernement mondial , dont la finalité n’est
pas au-dessus de tout soupçon.
L'organisation
du monde en plusieurs puissances mondiales avec la coexistence de puissances
régionales, chargées concomitamment d'assurer la sécurité et la coopération
dans leurs régions respectives…
Un monde
à la Georges Orwell (sous sa forme chinoise ou nord-coréenne) doit faire
l’objet d’un débat (entre efficacité des régimes autoritaires et fragilité des
régimes démocratiques face aux crises) et céder, peut-être, le pas à un monde
où la confiance et la sérénité doivent prévaloir.
Il faut
faire en sorte pour dépasser l’équation de Noam Chomsky, déclinée entre
domination du monde ou sauvetage de la planète.
Le monde
de demain se construit aujourd’hui.
Bref,
toutes les pistes et propositions prospectives suggérées peuvent permettre à
l’homme de retrouver son humanité et au monde sa normalité.
Il faut
faire en sorte que le monde ne se décompose pas en tribus qui se font des
guerres d’extermination ; la guerre de tous contre tous (Hobbes) n’est pas une
fiction.
Une
organisation nouvelle du monde est d'autant plus nécessaire que les prémices
d'une guerre totale entre la puissance dominante (USA) et la puissance
aspirante (Chine) se profileraient à l’horizon.
La guerre
économique ayant marqué l’année 2019/20 entre les deux géants en est le signe
précurseur.
PENSER LA
CROISSANCE ET LA CHOSE ÉCONOMIQUE AUTREMENT
"Penser
autrement la croissance et la chose économique est devenue, depuis quelques
temps déjà, une nécessité impérative ; elle passe, entre autres, par un
traitement nouveau des deux équations homme /machine et homme /environnement.
Les rapports qu'ils connaissent et les tendances qui s'en dégagent doivent être
repensés pour une meilleure vie pour ne pas dire tout simplement la survie de
l'homme. L'homme est, en effet, au terme d'une ère civilisationnelle et au
seuil d'une nouvelle. Mais pour que celle-ci soit prometteuse et porteuse
d'espoir, les rapports entre les pôles civilisationnels doivent changer car ils
sont sur une mauvaise pente".
En effet
«…ce que l’humanité sait faire de meilleur est perverti par ce qu’elle sait
faire de pire –tel est le paradoxe de notre temps. » disait l’académicien Amin
Maalouf.
Si on ne
prend pas garde, le chaos tant redouté ne sera pas pour des générations
lointaines mais, sans jouer les Cassandre, il sera pour demain.
Ainsi ,
l’idée d’une civilisation de l’empathie, préconisée par Jerémy Rifkin, est une
piste à creuser :
« l’homme
est condamné à remodeler sa conscience ; nous devons parvenir au cours de ce
XXIème siècle à un état d’esprit proche de l’empathie universelle, qui
témoignera de l’aptitude de notre espèce à survivre et à prospérer »
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