La prohibition des discriminations antisyndicales dans le Droit international du travail et les moyens de les combattre
Ahmed BOUHARROU
Introduction
I)Les dispositions des normes internationales du travail prohibant
les discriminations pour raisons syndicales
A)
Les normes prohibant les discriminations
syndicales
B) Les facilités à accorder aux représentants des
travailleurs
C) La protection contre le licenciement
D) La non-discrimination entre les représentants des
travailleurs élus et les représentants syndicaux
E) L’ingérence dans les affaires syndicales
II) Les manifestations
des discriminations syndicales
A) Les manifestations de discriminations selon des
législations Syndicales nationales
B) Les
manifestations de discriminations syndicales selon le CLS
III) Les mécanismes de plaintes et de réclamations contre
les violations
des libertés syndicales
A) Les mécanismes de réclamations et de plaintes
a) la procédure de réclamation
b) la procédure de plainte
B) La jurisprudence de la CEACR et du CLS relative aux
discriminations antisyndicales
a)
L’apport de la CEACR
b)
L’apport du Comité de la liberté syndicale
C) La commission de l’application des normes de la
Commission internationale du
travail et les discriminations syndicales
Conclusion
Bibliographie
Introduction
La
discrimination est le traitement différencié de personnes ou de groupes se
trouvant dans une situation comparable. « La non-discrimination est son
corollaire qu’est l’égalité, a une place particulière dans les dispositifs des
droits humains, étant donné que tous les droits humains (civils, politiques,
sociaux et culturels) doivent être mis en œuvre pour tout un chacun, sans discrimination
et en toute égalité[1] ». La
non-discrimination et l’égalité sont les fondamentaux des droits humains et
sont nécessaires pour une jouissance effective des autres droits. Le Pacte
International sur les droits économiques sociaux et culturels dispose dans
l’article 2-2 que « les Etats parties au présent Pacte s’engagent à
garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination
aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, l’opinion politique
ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la naissance ou toute
autre situation ». Ledit Pacte ne définit pas la discrimination. Le Comité des
droits économiques sociaux et culturels en donne la définition suivante. Est «
'discrimination' toute distinction,
exclusion, restriction ou préférence ou tout autre traitement différencié
reposant directement ou indirectement sur les motifs de discrimination
interdits, et ayant pour but ou pour effet d’annuler ou de compromettre la
reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur un pied d’égalité, des droits
énoncés dans le Pacte. La discrimination comprend également l’incitation à la
discrimination et le harcèlement. »[2]
Le droit
international du travail interdit les discriminations dans l’emploi et la
profession pour plusieurs raisons dont les raisons syndicales.
La convention
internationale du travail n° 111 sur la discrimination dans l’emploi et la profession.
Cet instrument définit dans son article1-1 la
discrimination en tant que « toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur
la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance
nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer
l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession ».
La raison syndicale n’est pas évoquée en tant que cause de discrimination.
Toutefois, cet article 1-2 ajoute « toute
autre distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou
d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de
profession, qui pourra être spécifiée par le Membre intéressé après
consultation des organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs,
s'il en existe, et d'autres organismes appropriés ». Les termes
« toute autre distinction » peuvent comprendre autres causes pouvant
fonder les actes discriminatoires.
La
convention précise que « les distinctions, exclusions ou préférences
fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas
considérées comme des discriminations ».
Le champ de la discrimination couvre l’emploi et la profession qui englobent
« l’accès à la formation professionnelle, l'accès à l'emploi et aux
différentes professions, ainsi que les conditions d’emploi ».
La
convention n° 100 exclut de la notion de discrimination par l’article 4 « toutes
mesures affectant une personne qui fait individuellement l'objet d'une
suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de
l'Etat ou dont il est établi qu'elle se livre en fait à cette activité, pour
autant que ladite personne ait le droit de recourir à une instance compétente établie
suivant la pratique nationale ». Il prévoit aussi la possibilité pour les
Etats de « définir comme non discriminatoires toutes autres mesures
spéciales destinées à tenir compte des besoins particuliers de personnes à
l'égard desquelles une protection ou une assistance spéciale est, d'une façon
générale, reconnue nécessaire pour des raisons telles que le sexe, l'âge,
l'invalidité, les charges de famille ou le niveau social ou culturel. »
Par
ailleurs, l’article 5 de la même convention dispose que «. Les mesures
spéciales de protection ou d'assistance prévues dans d'autres conventions ou
recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail ne sont
pas considérées comme des discriminations ».
Les conventions internationales du travail prohibent
les discriminations pour des raisons syndicales, déterminent certaines formes
qui peuvent constituer des discriminations syndicales.
Des mécanismes de contestations sont mis en place dans
le cadre du droit constitutionnel de l’OIT et dans sa figuration institutionnelle.
I)Les dispositions des normes internationales prohibant les
discriminations pour raisons syndicales
La liberté
syndicale est reconnue dans le préambule de la Constitution de l’OIT, est
réaffirmée dans la Déclaration de Philadelphie en 1944 et intégrée dans la
Déclaration sur les principes et les droits fondamentaux au travail et son
suivi adoptée par la conférence
internationale du Travail en 1998 en tant que droit fondamental.
Des conventions
internationales du travail du travail traitent les questions des libertés
syndicales sous différents angles et se complètent entre elles pour former le
droit syndical de l’OIT[3]. Elles prônent
la liberté syndicale (constituer un syndicat, y adhérer et s’en retirer), la
protection de l’exercice de cette liberté. La
Déclaration sur les principes et les droits fondamentaux au travail et son
suivi adoptée par la conférence internationale du Travail en 1998 a hissé la
liberté syndical au rang de droit fondamental
A)
Les normes prohibant les discriminations syndicales
La
convention internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical établit une série d’obligations que les Etats
membres doivent respecter pour garantir la jouissance de la liberté syndicale
par la liberté de création des syndicats. Les apports de cet instrument se
limitent à la création, à l’organisation et au fonctionnement des syndicats.
Pour
atteindre cet objectif, elle dispose à travers l’article 3 que « les autorités publiques doivent s'abstenir de toute
intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. ».
Les garanties prévues par cette convention constituent un
minimum à respecter. Son article 8-1 prévoit « la législation nationale ne devra porter atteinte ni être
appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente
convention. ».
La convention (n° 98) sur le droit d’organisation et
de négociation collective, 1949 protège les travailleurs contre les actes
discriminatoires. A cet effet, l’article premier dispose que « les travailleurs doivent bénéficier d’une protection
adéquate contre tous actes de discrimination à porter atteinte à la liberté
syndicale en matière d’emploi. ». Il précise de manière non limitative
Les cas de protection contre les actes
discriminatoires pour raisons syndicales et qui sont :
-La subordination
de l’emploi d’un travailleur à la condition qu’il ne s’affilie pas à un
syndicat ou cesse de faire partie d’un syndicat :
-Le congédiement d’un travailleur ou lui porter préjudice par tous
autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à
des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le
consentement de l'employeur, durant les heures de travail.
Outre cette protection des travailleurs, la convention établit par
l’article 2 une protection au profit des organisations professionnelles,
Dans
cette lignée l’article énonce dans son paragraphe 1 que « les
organisations de travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une
protection adéquate contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des
autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur
formation, leur fonctionnement et leur administration. ».
Le même
article 2 énumère dans son paragraphe les actes d’ingérence dans la vie
syndicale.
Il assimile
à « des actes d'ingérence les mesures tendant à provoquer la création
d'organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation
d'employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens
financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le
contrôle d'un employeur ou d'une organisation d'employeurs ».
La
convention internationale du travail n° 135 sur les représentants des
travailleurs, 1971 établit elle aussi une protection contre les actes
discriminatoires dont pourront être victimes les représentants des travailleurs
pour raisons syndicales. Elle affirme dans l’article premier que « les représentants des travailleurs dans
l'entreprise doivent bénéficier d'une protection efficace contre toutes mesures
qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui
seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des
travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités
syndicales, pour autant qu'ils agissent conformément aux lois, conventions
collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur ».
Dans le
même sens, la recommandation n° 143
sur les représentants des travailleurs, 1971 annonce dans sa partie III
paragraphe 5 relatif à la protection des représentants des travailleurs
que « les
représentants des travailleurs dans l'entreprise devraient bénéficier d'une
protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice,
y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs
activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou
leur participation à des activités syndicales, pour autant qu'ils agissent
conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements
conventionnels en vigueur ».
Cette protection
devrait également s'appliquer aux travailleurs qui ont fait acte de candidature
ou qui ont été présentés comme candidats, par les procédures appropriées
existantes, pour être élus ou nommés représentants des travailleurs. Elle
pourrait aussi être accordée aux travailleurs qui ont cessé d'être des
représentants des travailleurs.
La convention
n° 151 sur la relation du travail dans la fonction publique, 1978
instaure une protection pour les agents publics et pour leurs organisations
professionnelles identique à celle établie par la convention (n°98)
En vertu
de l’article 4-1 « les agents publics doivent bénéficier d'une
protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter
atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. »
Cette
protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour
but de subordonner l'emploi d'un agent public à la condition qu'il ne s'affilie
pas à une organisation d'agents publics ou cesse de faire partie d'une telle
organisation d’une part, et de congédier un agent public ou lui porter
préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation à une
organisation d'agents publics ou de sa participation aux activités normales
d'une telle organisation.
A propos
de la protection prévue pour les organisations professionnelles d’agents
publics, l’article 5 dispose que « les organisations d'agents publics
doivent jouir d'une complète indépendance à l'égard des autorités publiques. »
et « bénéficier d'une protection adéquate contre tous
actes d'ingérence des autorités publiques dans leur formation, leur fonctionnement
et leur administration ».
A l’instar de la convention 98, l’article 5-3
assimile « aux actes d'ingérence, (..….), des mesures tendant à
promouvoir la création d'organisations d'agents publics dominées par une
autorité publique, ou à soutenir des organisations d'agents publics par des
moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations
sous le contrôle d'une autorité publique. »
En raison
des liens entre les droits civils et politiques et les droits syndicaux,
l’article 9 insiste sur la reconnaissance aux agents publics « comme les
autres travailleurs, des droits civils et politiques qui sont essentiels à
l'exercice normal de la liberté syndicale, sous la seule réserve des
obligations tenant à leur statut et à la nature des fonctions qu'ils exercent. »
B) Les facilités à accorder aux représentants des
travailleurs
Les
normes internationales du travail accordent des facilités aux représentants des
organisations professionnelles d’agents publics et des organisations des
travailleurs des entreprises pour leur permettre d’exercer leurs mandats. Dans
ce sens l’article 6-1 de la convention n° 151 dispose que « Des
facilités doivent être accordées aux représentants des organisations d'agents
publics reconnues, de manière à leur permettre de remplir rapidement et
efficacement leurs fonctions aussi bien pendant leurs heures de travail qu'en
dehors de celles-ci. ».
Elle
précise par le paragraphe de l’article que « l’octroi de telles
facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l'administration
ou du service intéressé.
Concernant
les facilités ç accorder aux syndicats des travailleurs du secteur privé,
l’article 2-1 de la convention n° 135 que « des facilités doivent être
accordées, dans l'entreprise, aux représentants des travailleurs, de manière à
leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions. ».
Cet
article précise qu’il doit être tenu compte des caractéristiques du système de
relations professionnelles prévalant dans le pays ainsi que des besoins, de
l'importance et des possibilités de l'entreprise intéressée et que cet octroi de telles facilités ne doit pas entraver le
fonctionnement efficace de l'entreprise intéressée.
Dans sa partie IV, relative aux faciliter paragraphe 9, la
recommandation 143 sur les représentants des travailleurs, il est prévu que
« des facilités devraient être accordées, dans
l'entreprise, aux représentants des travailleurs, de manière à leur permettre
de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions » que « l'octroi de telles facilités ne devrait pas entraver le
fonctionnement efficace de l'entreprise intéressée ».
C)La protection contre le licenciement
La protection contre le licenciement pour des raisons
syndicales est instituée par l’article 5 de la convention n° 158 sur le
licenciement
Cet article énumère les motifs qui ne sont pas valables et
qui ne peuvent pas justifier le licenciement. Ala tète de la liste de ces motifs,
l’article cite : « l’affiliation syndicale ou la participation à des
activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement
de l’employeur, durant les heures du travail ».
Les
autres motifs non valables sont :
« Le fait
de solliciter, d'exercer ou d'avoir exercé un mandat de représentation des
travailleurs ;
Le fait d'avoir déposé une plainte ou
participé à des procédures engagées contre un employeur en raison de violations
alléguées de la législation, ou présenté un recours devant les autorités
administratives compétentes ;
La race, la couleur, le sexe, l'état
matrimonial, les responsabilités familiales, la grossesse, la religion,
l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale ;
L’absence du travail pendant le congé de
maternité »
En cas
d’existence à la fois des représentants syndicaux et de représentants élus
comme le souligne la convention n°135 et la recommandation n° 143 et les
législations, il convient d’éviter d’utiliser les seconds contre les premiers
et de les traiter de manière discriminatoire.
D)La non-discrimination entre les représentants des
travailleurs élus et les représentants syndicaux
Il se
peut qu’en cas d’existence des représentants des salariés élus et de
représentants syndicaux au sein de mêmes entreprises, des employeurs peuvent
privilégier les représentants élus (délégués des salariés) au détriment des
syndicats de travailleurs. Pour prévenir ce traitement inégalitaire qui revêt
une forme discriminatoire , la convention n° 135 dispose dans son article 5 que
« lorsqu'une entreprise compte à la fois
des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées
devront être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence
de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats
intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur
toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d'une part, et les
syndicats intéressés et leurs représentants, d'autre part. ».
Dans le même sens, la recommandation internationale du
travail n° 143 sur les représentants des travailleurs adoptée en 1971 annonce
que « 4. Lorsqu'une entreprise compte à la fois des
représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées
devraient être prises, chaque fois qu'il y a lieu, pour garantir que la
présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des
syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la
coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus,
d'une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d'autre part.
E) L’ingérence dans les affaires syndicales
La
convention n° 87 prohibe toute ingérence visant à limiter le droit syndical ou
à entraver son exercice. Dans ce sens, l’article 3 dispose que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention
de nature à limiter ou entraver l'exercice du droit des organisations
professionnelles d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire
librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de
formuler leur programme d'action. Force est de conclure que le fait
d’influencer la liberté d’élaborer les statuts, les règlements intérieurs et l’élection
libre des représentants syndicaux par les autorités publiques ou par les employeurs
sont des actes d’ingérences condamnables.
De manière générale, et dans un souci de protection de
l’exercice du droit syndical, la convention n° 87 dispose dans l’article 11 que
« tout Membre de l'Organisation internationale du
Travail pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à prendre
toutes mesures nécessaires et appropriées en vue d'assurer aux travailleurs et
aux employeurs le libre exercice du droit syndical.
Si la
convention n°87 protège contre les ingérences dans la création, l’organisation
et le fonctionnement des syndicats du coté des pouvoirs publics, la convention
n° 98 interdit par l’article 2 paragr. les actes d’ingérence des organisations
professionnelles les unes à l’égard des autres, soit directement, soit par
leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur
administration.
Aux sens de cette convention « sont
notamment assimilées à des actes d'ingérence au sens du présent article des
mesures tendant à provoquer la création d'organisations de travailleurs
dominées par un employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des
organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le
dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une
organisation d'employeurs »[4].
La
convention n° 151 affirme elle aussi, par l’article 5 l’interdiction de
l’ingérence dans les organisations syndicales des agents publics. Elle dispose
dans le premier paragraphe que « les organisations d'agents publics
doivent jouir d'une complète indépendance à l'égard des autorités publiques. »
et protège par le deuxième paragraphe les organisations d'agents publics contre
tous actes d'ingérence des autorités publiques dans leur formation, leur
fonctionnement et leur administration. Enfin, elle assimile aux actes
d'ingérence, les « mesures tendant à promouvoir la création
d'organisations d'agents publics dominées par une autorité publique, ou à
soutenir des organisations d'agents publics par des moyens financiers ou
autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d'une
autorité publique » (paragr. 3).
Il « résulte de ces dispositions que les
travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre la discrimination
antisyndicale tant au moment de l’embauche que pendant la relation
d’emploi »[5].
Les
mécanismes et les procédures protecteurs des libertés syndicales notamment en
matière de discriminations syndicales auxquels fait allusion l’article 3 de la
convention n°98 précitée « peuvent être de prévention, de réparation et
s’accompagner éventuellement de sanctions pénales »[6].
Quelles sont les formes et les manifestations
des discriminations syndicales ?
II) Les manifestations des discriminations syndicales
En dépit des
prohibitions des discriminations antisyndicales[7] , il
existe des pratiques antisyndicales dans l’emploi et le travail dont cératines
sont énumérées par les normes internationales et par les législations
nationales.
A)
Les manifestations de discriminations selon des
législations syndicales nationales
Les
législations syndicales évoluées incriminent les discriminations syndicales et énumèrent
leurs formes et manifestations. Le code du travail marocain interdit par
l’article 9 à l’egard des salariés toute
discrimination fondée sur «l’affiliation syndicale » qui viole ou altère
« le principe d’égalité des chances ou de traitement sur un pied d’égalité
en
matière d'emploi ou d'exercice d'une profession, notamment, en ce qui concerne
l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle,
le salaire, l'avancement, l'octroi des avantages sociaux, les mesures
disciplinaires et le licenciement.»
Cet article précise qu’il « découle notamment
des dispositions précédentes (…), l’interdiction de toute mesure
discriminatoire fondée sur l'affiliation ou l'activité syndicale des salariés ».
L’article 428 du même code incrimine l’entrave à l’exercice du droit syndical
par une personne physique ou morale sans définir contenu ni les manifestations
de cette entrave.
En France, le Préambule de la Constitution de 1946
affirme que « tout Homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action
syndicale et adhérer au syndicat de son choix » et que « tout travailleur
participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective
des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».
Le code du travail garantit l’exercice de la liberté
syndicale. L’article L. 1132-1 de ce code institue un principe général de
non-discrimination dans les relations professionnelles en vertu duquel aucun
salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d'une mesure
discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de ses activités
syndicales.
L’article L. 2141-5 du même code précise la portée et
l’étendue de la prohibition spécifique des discriminations syndicales. A cet, l’employeur
ne peut pas prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice
d'une activité syndicale pour fonder ses décisions en matière de recrutement,
de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle,
d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de
discipline et de résiliation du contrat de travail.
En 2008, le législateur a adopté la loi n° 2008-496,
du 27 mai, modifiée en 2017 pour garantir l’effectivité de l’interdiction des
discriminations et assurer le respect des engagements internationaux de la
France dans ce domaine. Cette loi comporte diverses dispositions d’adaptation
au droit communautaire relatif à la lutte contre les discriminations. S’agissant
des formes de discrimination, l’article premier de la loi cite notamment
la discrimination directe[8], et la discrimination indirecte la discrimination
indirecte[9].
Le code pénal français incrimine lui aussi les
discriminations antisyndicales et les assortit de sanctions pénales.
B) les manifestations de discriminations syndicales
selon le CLS
Le Comité
de la liberté syndicale de l’OIT (CLS) a examiné depuis sa création plus de
3300 cas relatif à la liberté syndicale. Ses décisions, ses recommandations et
ses principes constituent un cadre référentiel pour les législations et les
pratiques en matière des libertés syndicales en général dont les questions des
discriminations antisyndicales.
Dans le
domaine des discriminations antisyndicales, le comité de la liberté syndicale a
compilé une panoplie de principes visant à les combattre. L’apport du Comité
comprend les principes généraux et énumère les formes de discrimination,
Les
principes : le Comité de la liberté syndicale considère
que « la discrimination antisyndicale est une des violations les plus
graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même
des syndicats »[10]. Il juge
que « des actes ayant pour but de subordonner l’emploi d’un travailleur ou
une travailleuse à la condition qu’il ou elle ne s’affilie pas à un syndicat ou
cesse de faire partie d’un syndicat constituent une violation de l’article 1 de
la convention n° 98 »[11]. En
effet nul ne devrait faire l’objet d’une discrimination pour raisons syndicales,
c’est-à-, dire, d’avoir exercé des activités syndicales légitimes dans le passé
ou dans le présent. Il estime que « du fait que des garanties inadéquates
contre les actes de discrimination notamment contre les licenciements, peuvent
conduire à la disparition des syndicats[12] ». Par
souci de lutte contre les discrimination syndicales, le comité considère qu’« une
protection contre des actes de discrimination antisyndicale ne paraitrait pas
suffisante si un employeur pouvait recourir à la sous-traitance comme moyen d’échapper,
dans la pratique , aux droits à la liberté syndicale et de négociation
collective »[13].Les cas
de discrimination antisyndicale doivent être traités de manière rapide et efficace
selon le comité.
Les
formes de discrimination : les actes de discrimination pour
raisons antisyndicales peuvent prendre différentes manifestations. Elles
englobent le licenciement, la réduction des effectifs, les représailles, la
suspension des salariés et sont prises contre les travailleurs en tant qu’actes
discriminatoires antisyndicaux.
Les
discriminations antisyndicales peuvent être des « discriminations à
l’embauche » ; des « discrimination en cours d’emploi » (non-renouvellement
d’un contrat d’emploi ; renouvellement des contrats à durée indéterminée
pendant plusieurs années, les « licenciements discriminatoires » pour
raisons syndicales. Le harcèlement et les manœuvres d’intimidation provenant
des employeurs et ciblant les syndicalistes constituent eux aussi des formes
discriminatoires.
III) Les mécanismes de plaintes et de
réclamations contre les violations des libertés syndicales
La
constitution de l’OIT établit deux mécanismes pouvant être utilisées en cas de
violation des libertés syndicales dont notamment les discriminations pour
raisons syndicales. Ces deux mécanismes qui sont des moyens de contrôle spéciaux,
en l’occurrence la procédure de réclamation et la procédure de plainte,
coexistent avec l’action que le Commission d’Experts pour l’application des
conventions et recommandations internationales du travail (CEACR) et la
Commission d’application des normes peuvent jouer dans le domaine des
violations des libertés syndicales.
A)
Les mécanismes de réclamations et de plaintes
Quelles
sont les procédures de réclamation et de plainte qui peuvent être mises en
œuvre pour L’examen des questions de discriminations antisyndicales ?
a) La
procédure de réclamation
La
constitution de l’OIT a créé par l’article 24 la réclamation en tant que moyen
aux termes de laquelle une organisation professionnelle des travailleurs ou des
employeurs prétend qu’un Membre n’aurait pas assuré une bonne exécution d’une convention
à laquelle ledit Membre a adhéré. Cette convention peut avoir pour objet la
question de la liberté syndicale. Etant
destinataire de cette réclamation, le BIT transmet la réclamation au
Conseil d’Administration qui la transmet lui aussi au gouvernement mis en cause
pour éléments de réponse.
Aux termes de l’article 25 de la constitution,
« si aucune déclaration n’est reçue du gouvernement mis en cause dans un
délai raisonnable, ou si la déclaration reçue ne parait pas satisfaisante au
Conseil d’administration, ce dernier aura le droit de rendre publique la
réclamation reçue et, le cas échéant, la réponse faite ».
Un règlement la procédure à suivre pour l’examen des
réclamations au titre des articles 24 et 25 précités[14]. Il est composé de 11 articles qui établit les
conditions de recevabilité de la réclamation., la désignation d’un comité
chargé de l’examen de la réclamation, l’examen de la réclamation par cet organe
et l’examen de la réclamation par le Conseil d’administration.
Pour être recevable, la réclamation doit être adressée
au BIT sous forme écrite, émaner d’une organisation professionnelle d’employeurs
ou de travailleurs, se référer expressément à l’article 24 de la constitution,
viser un membre de l’OIT, porter sur une convention à laquelle le membre mis en
cause est partie.
Elle doit aussi indiquer sur quel point le Membre mis
en cause n’aurait pas assurée l’application effective de la convention dont il
est membre. Le BIT établit un rapport au conseil d’administration sur la
recevabilité de la réclamation sur le plan formel.
En cas de recevabilité de la réclamation, le conseil
désigne un comité chargé de l’examen de ladite réclamation. Cet organe désigné
est composé de membres de conseil d’administration choisis en nombre égal au
sein du groupe gouvernemental, du groupe des employeurs et du groupe des
travailleurs.
En vertu de l’article 3 paragr. 2, si la réclamation que
le conseil d’administration a jugé recevable porte sur une convention relative
aux droits syndicaux, elle peut être renvoyée au Comité de la liberté syndicale
pour examen. Le Comité, lorsqu’il examine la réclamation, agit conformément aux
dispositions des articles 4 et 5 du règlement qui fixent essentiellement les
procédures de communication avec le gouvernement mis en cause, l’organisation
professionnelle concernée, l’échange d’information.
Après examen de la réclamation sur le fond, le Comité
présente au Conseil d’administration « un rapport dans lequel il
décrit les mesures qu’il a prises pour examiner la réclamation, présente ses
conclusions sur les questions qu’elle soulève et formule ses recommandations
quant à la décision à prendre par le Conseil d’administration »[15].
Après cette phase d’examen, intervient celle relative
à l’examen de la réclamation par le Conseil d’administration. Cette phase comprend
l’examen du rapport du bureau sur la recevabilité et du rapport du comité sur
le fond. Pour examiner les questions relatives à une réclamation, le conseil se
réunit à huis-clos. (Art 7 du règlement).
Par ailleurs, sur la base de l’article 10 du règlement
de la procédure de réclamation, le conseil d’administration saisi d’une
réclamation au sens de l’article 24 de la Constitution de l’OIT, peut, en tout temps,
conformément au paragraphe 4 de l’article 26 de la constituer, engager, contre
le gouvernement mis en cause et au sujet de la convention dont l’exécution
satisfaisante est contestée, la procédure de plainte prévue aux articles 26 et suivants.
b) La procédure de plainte
La constitution de l’OIT établit un deuxième mécanisme
celui de la plainte (qui coexiste avec la réclamation). La procédure de la
plainte est régie par les articles 26 à 34.
L’article 26 ouvre le droit à chacun des Membres de
l’OIT de « déposer une plainte au Bureau international du Travail contre
un autre Membre qui, à son avis, n’assurerait pas d’une manière satisfaisante
l’exécution d’une convention que l’un et l’autre auraient ratifiée… ..….».
Le conseil d’administration peut, s’il le juge à
propos et avant de saisir une commission d’enquête rentrer en contact avec le
gouvernement mis en cause conformément à la manière indiquée à l’article 24.
Aux termes du 3e paragraphe de l’article 26
« si le conseil d’administration ne juge pas nécessaire de communiquer la
plainte au gouvernement mis en cause, ou lorsque cette communication a été
faite mais aucune réponse satisfaisante n’a été reçue dans un délai raisonnable,
le conseil formera une commission d’enquête qui sera chargée d’examiner la
question soulevée et de déposer un rapport à ce sujet.
Cette même procédure de plainte peut être mise en
application par le conseil d’administration, soit sur sa propre initiative,
soit sur la plainte d’un délégué à la Conférence (art 26 paragr. 4 de la charte
de l’OIT).
En application de l’article 28 de la Constitution, la
commission d’enquête créée, après examen de la plainte, rédigera un rapport
dans lequel elle consignera ses
constatations sur tous les points de fait pouvant de permettre de préciser la
portée de la contestation et les recommandations qu’elle jugera devoir formuler
quant aux mesures à prendre pour donner satisfaction au gouvernement plaignant
et quant aux délais dans lesquels ces mesures devraient être prises.
Ce rapport de la Commission d’enquête sera communiqué
par le directeur général du BIT au conseil d’administration et à chacun des
deux gouvernements concernés par cette plainte.et en assurera sa publication.
En vertu de l’article 29 paragraphe de la Constitution, chacun des deux
gouvernements concernés est tenu d’informer le directeur général dans le délai
de trois mois s’il accepte ou rejette les recommandations consignées dans le
rapport de la commission et s’il désire soumettre le différend à la CIJ en cas
de refus. Si cette juridiction internationale est saisie, sa décision est
insusceptible d’appel. (Art 31). Elle
peut confirmer, amender ou annuler les conclusions ou les recommandations
éventuelles de la Commission d’enquête (art 32 de la charte de l’OIT)
La procédure de la plainte constitue un mécanisme qui
peut combattre les actes discriminatoires en matière syndicale.
B)
La jurisprudence de la CEACR et du CLS relative aux Discriminations
antisyndicales
Trois organes
de contrôle de l’OIT la Commission d’experts pour l’application des conventions
et recommandations internationales du travail (CEACR), le Comité de la liberté
syndicale (CLS) et la Commission de l’application des normes (CAN)
a) L’apport
de la CEACR
La constitution de l’OIT prévoit la soumission
par les Etats au BIT de rapports périodiques sur les mises en œuvre et des
recommandations internationales du travail. D’où la nécessité d’un organe de supervision,
de contrôle et de suivi de l’application de ces instruments.
En 1926, le Conseil d’administration a créé la CRACR
pour examiner les rapports des gouvernements sur les conventions ratifiées[16]. Elle
est composée de 20 membres juristes des différentes régions du monde et
de divers systèmes juridiques et culturels.
Elle
effectue une analyse juridique et technique de l’application des normes Elle
émet deux types de commentaires notifiés aux gouvernements : les
observations et les demandes directes et adresse parfois des appels d’urgence
aux Etats pour lui fournir les informations demandées sur les conventions ratifiées.
La
Commission publie un rapport annuel composé de trois parties :
La partie
I : est consacrée aux commentaires sur la manière dont les Etats Membres
s’acquittent de leurs obligations ;
La partie
II : est réservée aux observations sur l’application des normes
internationales du travail ;
La partie
III : consiste en une étude d’ensemble sur un sujet particulier choisi par
le Conseil d’administration.
Dans le
cadre de « son évaluation de la conformité des législations nationales, la
commission d’experts exerce une compétence qui a maintes fois été qualifiée de
quasi-juridictionnelle bien qu’elle ne soit pas un tribunal. Elle exerce un
pouvoir d’appréciation large dans le cadre des dispositions
internationales »[17] .Son
œuvre constitue une jurisprudence et une source d’interprétation des normes
internationales même si elle n’est pas autorisée à les interpréter.
Son
analyse porte sur toutes les conventions internationales du travail ratifiées
dont celles portant sur les libertés syndicales dans leur globalité.
Dans le
cadre de l’examen de la conformité du droit syndical algérien aux dispositions
de la convention n° 87, la Commission d’experts pour l’application des
conventions et recommandations internationales du travail dans son rapport
présenté au titre de l’année 2019 (108e session) a relevé que sur le
plan législatif, la loi n° 90- 14 du 2/6/1990 relative aux modalités de
l’exercice du droit syndical n’est pas en conformité avec les dispositions de
la convention 87[18].
L’article 6 exige la nationalité algérienne d’origine ou acquise depuis au
moins dix ans ce qui contredit l’article 2 de la convention qui reconnait la
liberté syndicale à toute personne sans aucune distinction d’aucune sorte. En
outre, l’article 4 de la loi exige pour la formation des unions, fédérations et
syndicales l’appartenance à la même profession, branche, ou secteur. Ce qui
entrave la constitution des Confédérations et se trouve dans l’inconformité par
rapport à l’article 5 de la convention. Par ailleurs, la Commission d’experts a
relevé que les pouvoirs publics algériens ne procèdent pas à l’enregistrement
des syndicats autonomes dans alors que la loi fixe un délai d’un mois et a
rappelé que la convention ne soumet la constitution des syndicats à aucune
autorisation. Cette œuvre de la commission d’experts a incité l’Algérie à
adopter un projet de loi conforme aux normes internationales.
Cet
organe du contrôle de l’application des normes internationales du travail
exerce un impact important sur les législations syndicales nationales dont les
dispositions ne sont pas conformes aux dispositions des différents instruments
internationaux du travail relatifs aux questions des libertés syndicales dont
la question des discriminations syndicales.
b) L’apport du Comité de la liberté syndicale à la
question des discriminations syndicales
Le comité de la
liberté syndicale été institué en 1951 pour examiner les
plaintes faisant état de violations des principes de la liberté syndicale,
même si l'État en cause n'a pas ratifié les conventions se rapportant à cette
liberté .
a eu un impact positif sur l’évolution des
législations syndicales et leurs exercices et sur la protection des
syndicalistes et des organisations syndicales[19].
Sa
jurisprudence couvre la totalité des dispositions des conventions et des
recommandations internationales du travail relatives à la liberté syndicale.
Elle porte notamment sur la liberté de la formation des organisations
professionnelles et de s’y affilier , le droit de se fédérer et de se
grouper en confédération , et d’adhérer aux organisations internationales
d’employeurs et de travailleurs, la protection des organisations contre les
suspensions et les dissolutions par voie administrative, le librement fondement
et d’organisation, la promotion de la négociation collective en lien avec la liberté syndicale
, le droit de grève et la lutte contre les pratiques antisyndicales. Sera
abordée dans le cadre de cette jurisprudence uniquement la question des discriminations
pour raisons syndicales. « Les affaires examinées par le comité ont
confirmé que les dirigeants syndicaux sont, plus d’autres, les victimes de
représailles ; il en va de même des grévistes ainsi que des fondateurs
d’une organisation professionnelle »[20].
Grace aux
recommandations du Comité de la liberté syndicale, beaucoup de syndicalistes
ont été réintégrés dans leurs emplois. Cet organe s’est basé sur la
recommandation n° 143 et sur l’article 9 de la convention n° 158 sur le
licenciement pour fonder le renversement de la charge de la preuve parmi les
garanties contre les pratiques et les mesures discriminatoires pour raisons
syndicales.
Dans des
cas dont il avait été saisi le comité de
la liberté syndicale, il y a «
libération d’un nombre important de syndicalistes qui avaient été arrêtés ou
détenus , la réintégration de travailleurs licenciés à la suite de conflits du
travail, l’annulation de décisions prononçant la dissolution d’une organisation
ou destituant des dirigeants syndicaux de leurs fonctions , la reconnaissance
ou le rétablissement juridique des syndicats , le rétablissement du droit de
grève , l’élimination du contrôle du gouvernement sur les syndicats et, dans
certains cas la législation syndicale , notamment à la faveur d’un changement de
régime politique du pays »[21].
Certaines
plaintes peuvent être soumises à une commission spéciale prévue par la
procédure : la Commission d’investigation et de conciliation en matière de
liberté syndicale[22] .
Selon le
BIT, Plus de 60 pays
sur les 5 continents ont pris des mesures à la suite de recommandations qu’il a
formulées et l’ont informé d’une évolution positive de la situation en matière
de liberté syndicale au cours des dernières décennies.
c) La
commission de l’application des normes de la Commission internationale du travail et les
discriminations syndicales
Créée en 1926, la
commission de l’application des normes[23] est un
organe de la Conférence internationale du travail. Sa composition est
tripartite et universelle et jouit d’une autorité politique
En vertu de l’article 7 du Règlement de la Conférence,
cette commission instituée par la Conférence est chargée d’examiner :
a) Les mesures prises par les Membres afin de donner
effet aux dispositions des conventions auxquelles ils sont parties, ainsi que
les informations fournies par les Membres concernant les résultats des
inspections ;
b) Les informations et rapports concernant les
conventions et recommandations, communiqués par les Membres conformément à
l’article 19 de la constitution, à l’exception des informations demandées au
titre du paragraphe 5 e) de cet article dont l’examen est assuré d’une manière
arrêtée par le Conseil d’administration ;
c) Les mesures prises par les Membres en vertu de
l’article 35 de la constitution ».
Elle
discute l’étude d’ensemble élaborée par la Commission des experts pour
l’application des conventions et recommandations internationales du travail et
soumet un rapport à la Conférence internationale du travail.
La
commission discute les rapports de la commission d’experts. D’où la
complémentarité entre l’examen technique et un contrôle en quelque sorte
politique. Elle organise un débat général sur les questions traitées dans la
partie générale du rapport de la Commission d’experts, d’abord, sur l’étude
d’ensemble préparée par la Commission d’experts et enfin examine les 25 cas
individuels sur l’application des conventions ratifiées qu’elle a sélectionnée.
La
commission adopte les conclusions relatives au cas examinés. Un résumé des
déclarations des gouvernements et de la discussion qui en résulte ainsi que les
conclusions est inséré dans la partie II du rapport de la Commission à la
Conférence.
Les
interpellations des pays dans le cadre des cas individuels peuvent porter sur
n’importe quelle convention ratifiée y compris la question de la liberté
syndicale.
Quel est l’impact
des travaux de la commission de la conférence quant aux cas de manquements
graves relatives à la mise en application des conventions internationales du
travail ratifiées et qui portent sur la liberté syndicale ?
Dans le
cadre de l’examen des cas individuels, la Commission de l’application des
nouvelles a interpellé l’Indonésie sur l’application de la convention n° 98 sur
le droit d’organisation et de négociation collective en 1991. La Commission a
regretté que « la loi et la pratique en matière de discrimination
antisyndicale et d’accès à la négociation collective ne soient toujours pas en
pleine conformité avec les exigences de la convention ».
En 1993,
la Commission de l’application des normes a examiné de nouveau le cas l’application
de la convention n° 98 et ce, suite, aux observations réitérées de nouveau par
la Commission d’experts. Une mission de contact a été effectuée sur place en
novembre 1993. Parmi les mesures proposées, la nécessité d’adopter des règles
protectrices contre les discriminations antisyndicales et de la non-ingérence
dans les associations professionnelles.
D’autres
examens de l’application de cet instrument par l’Indonésie ont eu lieu en 1995
et 1997.En 1998, une reforme de la législation syndicale a vu le jour et la
convention 87 a été ratifiée et ce, grâce à la pression exercée par la
commission de l’application des normes.
Dans son
débat général qui prend la forme de dialogue, la Commission de l’application
des normes a eu plusieurs occasions dont l’examen des 25 cas individuels dans
ce qu’il est convenu d’appeler les interpellations dans lesquelles elle a persuadé,
convaincu ou dans certaines mesures, exercé des pressions morales sur beaucoup
d’Etats pour reformer et améliorer leurs législations syndicales.
Conclusion
La
liberté syndicale a été arrachée -à l’instar du droit de la grève- grâce à la
lutte ouvrière. Elle est érigée en droit fondamental et constitutionnel dans
beaucoup de pays. Elle est également internationalisée dans les instruments
internationaux et régionaux des droits de l’homme et dans les conventions
internationales du travail. Elle s’insère dans les droits de l’homme et dans
les libertés publiques.
La
prohibition des discriminations antisyndicales constitue le noyau dur des
libertés syndicales. Différents mécanismes internationaux de contrôle sont
institués au sein de l’OIT et sont complémentaires. En dépit, de cette
internationalisation normative et de son contrôle, il y a tendance, dans le
sillage de l’initiative sur les normes d’encourager la conciliation volontaire
des différends relatifs aux normes internationales du travail[24] (dont
celles portant sur la liberté syndicale) dans le cadre étatique au lieu des
mécanismes internationaux de l’OIT. Le contexte de la mondialisation depuis 1998,
les crises économiques, financières, pandémique et le déclin du syndicalisme
international ne favorisent pas la jouissance effective des libertés syndicales.
Les
libertés syndicales doivent être exercées conformément à la loi, de manière
pragmatique et non abusive et tenir compte de la liberté d’entreprendre
constitutionnalisée dans beaucoup de pays. Le dialogue social, la négociation
collective et la collaboration patronale syndicale peuvent prévenir les
discriminations antisyndicales. En cas d’échec, les parties lésées peuvent
Faire
usage des procédures et mécanismes internationaux ou aux procédures judiciaires
internes.
Bibliographie
Ouvrages et documents spéciaux
BIT, la commission de l’application des normes de la
conférence internationale du Travail, Dynamique et impact : des décennies
de dialogue et de persuasion, Genève 2011.
BIT, la liberté syndicale, compilation des décisions
du comité de la liberté syndicale, 6e édition, 2018.
BIT, liberté syndicale et négociation collective,
Etude d’ensemble de la Commission d’experts pour l’application des conventions
et recommandations., Rapport III (Partie 4B) , CIT, Genève 1983
CETIM, le droit à la non-discrimination, Genève, juin
2011.
Gravel Éric, Duplessis Isabelle et Gernigon Bernard, le comité de
la liberté syndicale : Quel impact depuis sa création ? 2e
édition, BIT, Genève 2002.
Gravel Éric et Charbonneau Chloé, la commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations : dynamique et impact,
BIT, 1e édition 2003.
Lionel Marie et Pilliard Jean-François, repérer, provenir et lutter
contre les discriminations syndicales. CESE (France), juillet 2017.
Articles
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contrôle de l’application de l’application des conventions internationales du
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antisyndicalismes au Canada, Dares, Travail et emploi, 2016/2, n° 146, pp
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Pouyat A. J., les normes et les procédures de l’OIT en
matière de liberté syndicale : un bilan, Revue internationale du travail,
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d’emploi, Revue Internationale du Travail
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Tartan Patrick, l’action de l’Organisation
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Valticos Nicolas, une nouvelle forme d’action internationale :
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Valticos Nicolas la Commission d’investigation et de
conciliation en matière de libertés syndicales et le mécanisme de protection
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Verge Pierre, la coexistence de la liberté
d’entreprise et de la liberté syndicale, volume 67, n° 3, 2012.
[1]CETIM, le
droit à la non-discrimination, Genève, juin 2011.p3.
[2]
Observation n°20du CODESC, §7.
[3] Pouyat A.
J., les normes et les procédures de l’OIT en matière de liberté
syndicale : un bilan, Revue internationale du travail, vol 121, n° 3,
mai-juin 1982.
[4] Article
2 paragr. 2 de la convention n° 98.
[5] BIT,
liberté syndicale et négociation collective, Etude d’ensemble de la Commission
d’experts pour l’application des conventions et recommandations., Rapport III
(Partie 4B) , CIT, Genève 1983,p 84
[6] Ibid, p
88.
[7] Servais
J. M. les pratiques antisyndicales en matière d’emploi, Revue Internationale du
Travail
Volume .115, n° 3, mai -juin 1977.pp 311-321.
[8] Constitue une discrimination directe la
situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa
situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la
particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou
connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa
domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son
handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation
sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de
ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que
le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée,
à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une
personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a
été ou ne l'aura été dans une situation comparable .
[9] Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère
ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un
des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des
personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce
critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et
que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés
[10] BIT, la
liberté syndicale, compilation des décisions du comité de la liberté syndicale,
6e édition, 2018, paragr. 1072, p 203
[11] Ibid, p
203
[12] Ibid, p
204
[13] Ibid, p
205.
[14] Cf le
règlement relatif à la procédure à suivre pour l’examen des réclamations au
titre des articles 24 et 25 de la constitution de l’organisation internationale
du travail, in BIT, droit syndical de l’OIT : normes et procédures,
Genève, 1e édition 1996, pp 146-149.
[15] Article
5 du règlement de procédure de la réclamation.
[16] Cornil Pierre,
le rôle de la Commission d’experts de l’OIT dans le contrôle de l’application
de l’application des conventions internationales du travail. RBDI, 1970-1, pp
265-276.
[17] Gravel Éric et
Charbonneau Chloé, la commission d’experts pour l’application des conventions
et recommandations : dynamique et impact, BIT, 1e édition 2003.p
9.
[18] Chakib Boukli Hacène,
un projet de révision de loi relative à l’exercice du droit syndical, Revue de
droit comparé du travail et la sécurité sociale, 20201/1, pp144-147.
[19] Gravel Éric,
Duplessis Isabelle et Gernigon Bernard, le comité de la liberté
syndicale : Quel impact depuis sa création ? 2e édition, BIT,
Genève 2002.
[20] Servais
Jean- Michel, les normes de l’OIT sur la liberté syndicale et leur mise en
œuvre, Revue Internationale du Travail, vol .123, n° 8, nov. – déc. 1984, p 836.
[21]
Gernigon Bernard, le comité de la liberté syndicale de l’OIT, in les
droits fondamentaux au travail : état des lieux et perspectives, BIT,
ACTRAV, Education Ouvrière, n° 122, 2001/1, p 23.
[22]
Valticos Nicolas, la commission et de conciliation en matière de liberté
syndicale et le mécanisme de protection internationale des droits syndicaux, AFDI,
1967.
[23] Pour
plus de détails, cf, BIT, la commission de l’application des normes de la
Conférence internationale du Travail, dynamique et impact : des décennies
de dialogue et de persuasion, 1e édition, 2011, p 11-22.
[24] BIT,
conciliation volontaire dans le cadre du système de contrôle de l’OIT (une page
sur le site du BIT).
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